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LE PETIT BLEU


rachetait par un bruyant déploiement de zèle au service des influences cléricales et par quelque apparence de dévotion.

Cependant l’impulsion donnée par Miribel aux divers rouages de la grande machine était si forte qu’aucun trouble, sauf au service de statistique, n’apparut de longtemps dans leur travail.

II

Boisdeffre, pour indolent qu’il fût, n’avait pas attendu l’affaire Dreyfus pour prendre garde au désordre de ce service. On peut croire que Miribel s’en inquiéta dans les derniers temps de sa vie. En effet, Boisdeffre lui avait à peine succédé qu’il fit offrir au commandant Picquart, alors professeur à l’École de guerre, de passer à l’État-Major et de remplacer Sandherr, qui serait envoyé dans un régiment. Il avait seulement entrevu le jeune officier, l’année précédente, aux grandes manœuvres, et il lui avait trouvé, « avec un air de grand contentement de lui-même[1] », trop peu de déférence. Mais le colonel Millet, directeur de l’infanterie, le lui recommandait très vivement.

Picquart passait alors pour une des plus sûres espérances de l’armée. D’une vieille famille lorraine qui avait donné à la France des magistrats et des soldats, il était né à Strasbourg[2] et y fit ses études. Il avait

  1. Rennes, I, 521, Boisdeffre. — Novembre 1893.
  2. Le 6 septembre 1854. — Michel Picquart, de Pont-à-Mousson, fut anobli, en 1609, par le duc Henri IV de Lorraine l’arrière-grand-père de Picquart était président au Parlement de Lorraine ; son grand-père vint s’établir en Alsace. — Sur la jeunesse de Picquart, voir F. de Pressensé, Le colonel Picquart, chap. I.