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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


L’un des membres de cette commission, irresponsable, imprévoyante, était le propre cousin du ministre, Du Paty de Clam.

La presse et la Chambre discutèrent aussi la question juive. Ce retour aux haines du moyen âge, cent ans après la Révolution, indignait les hommes de liberté ; cependant, ils se taisaient ; encore une fois, un poète rompit le silence. Zola, absent de Paris lors du procès de Dreyfus, le croyait coupable. Le « dégoût » lui vint de l’entreprise antisémite ; il osa parler publiquement pour la tolérance contre le fanatisme, faire appel au bon sens contre l’absurde thèse ethnique[1]. S’attaquant

    Guerre, — Du Paty de Clam, — un lieutenant-colonel de l’infanterie de marine et un agent du ministère des Affaires étrangères… C’est réellement par cette Commission de quatre membres, dont aucun n’avait de responsabilité dans la direction de l’expédition, que les bases pour ainsi dire définitives de l’expédition ont été jetées. » (Séance du 27 novembre.) Cet aveu fut vivement relevé par Jaurès : « Que s’est-il passé dans les coulisses de l’expédition de Madagascar ? »

  1. Pour les Juifs, dans le Figaro du 16 mai 1896. — Zola convient d’abord qu’on ne discute pas avec l’hostilité ethnique ; mais « retournons alors au fond des bois, recommençons la guerre sauvage d’espèce à espèce, dévorons-nous parce que nous n’aurons pas le même cri et que nous aurons le poil planté autrement ». — Les Juifs ont leurs défauts, leurs vices : on les accuse d’être une nation dans la nation, d’être, par-dessus les frontières, une sorte de secte internationale sans patrie réelle ; surtout, « d’apporter avec leur sang un besoin de lucre, un amour de l’argent, un esprit prodigieux des affaires qui, en moins de cent ans, ont accumulé entre leurs mains des fortunes énormes ». Mais ces Juifs, exclusifs, encore mal fondus dans la nation, trop avides, acharnés à la conquête de l’or, ils sont l’œuvre des chrétiens, « l’œuvre de nos dix-huit cents ans d’imbécile persécution ». On les a parqués dans des quartiers infâmes, comme des lépreux : quoi d’étonnant qu’ils aient resserré, dans la prison du ghetto, leurs liens de famille ! — Ces liens furent toujours étroits chez les Juifs ; déjà Tacite écrit « qu’ils sont liés les uns aux autres par un attachement invincible, une commisération très active ». (Hist., V, 5.) — On