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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


l’engagea à reprendre la piste ; mais il ne découvrit rien qui pût autoriser une telle accusation.

D’autres pistes, secrètement et coûteusement suivies n’aboutirent qu’à des déceptions. Cependant, un peu plus tard, Mathieu apprit[1] que la découverte de la pièce à l’initiale était antérieure à celle du bordereau et que Mercier avait fait filer un garçon de bureau dont le nom commençait par un D., l’ivrogne Duchet[2]. Mais l’homme était innocent.

Mathieu employa deux polices à ces recherches, un agent français du nom de Dubois et des détectives anglais. Ceux-ci réussirent à pénétrer à l’ambassade d’Allemagne. La concierge, adroitement interrogée, laissa échapper qu’une lettre de Schwarzkoppen à Panizzardi avait été dérobée, livrée à l’État-Major. On l’identifia avec la pièce secrète. On découvrit aussi la bizarre installation que le bureau des Renseignements avait établie dans la maison qui fait face à l’ambassade, l’appartement truqué, avec des appareils phonographiques, d’où les agents écoutaient les propos de table de Schwarzkoppen. C’était intéressant, mais ne servait de rien. Mathieu reconstitua encore l’histoire de la femme Millescamp et le rôle de Brucker dans cette affaire.

Cette besogne policière, où il acquit bientôt une grande habileté, remplissait d’espérances, toujours déçues, la vie de Mathieu. Il poursuivait en vain le hasard.

Il y aurait eu un procédé plus simple : envoyer Mme Dreyfus chez Schwarzkoppen. L’attaché allemand attendait cette visite, s’étonna de ne pas la recevoir : peut-

  1. Instr. Fabre, 179, Mathieu Dreyfus.
  2. Rennes, I, 383, Mercier ; Instr. Fabre, 21, Gribelin.