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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


sième tentative[1]. Cette fois, le ministre des Colonies, Guieysse, consentit à la recevoir. Il chercha, avec bonté, à la détourner d’un tel projet ; il comprenait son sentiment, mais la vie, là-bas, était terrible. Elle dit, de sa voix calme, qu’elle le savait, mais qu’elle était prête à tout supporter, qu’elle ne craignait aucune privation, et que son mari était innocent. Guieysse l’arrêta sur ces mots ; il ne saurait aborder cette question avec elle, mais il saisira de sa demande le Conseil des ministres. Quelques jours après, il lui transmit, avec l’expression de ses regrets, la réponse négative de ses collègues[2].

À l’issue du Conseil qui prit cette décision, Bourgeois confia au Président de la République qu’il avait des doutes sur la culpabilité de Dreyfus ; il connaissait mal l’affaire, antérieure à la constitution de son ministère, mais certains faits, certaines conversations, l’avaient inquiété. Faure lui dit de se rassurer et que l’homme était certainement un traître.

XII

De la conversation de Trarieux avec Demange, Mathieu avait surtout tiré que le nom du vrai coupable commençait par la lettre D. Ainsi, pour perdre son

    Affaires étrangères, Berthelot ; Finances, Doumer ; Instruction publique, Combes ; Commerce, Mesureur ; Travaux publics, Guyot-Dessaigne ; Agriculture, Viger ; Guerre, Cavaignac ; Marine, Lockroy ; Colonies, Guieysse.

  1. Par lettre du 3 janvier 1896.
  2. Par lettre du 28 janvier 1896 : « J’ai le regret de vous informer qu’en raison de la situation spéciale dans laquelle se trouve le déporté Dreyfus, ainsi que des nécessités de surveillance, il n’est pas possible de déférer au désir que vous avez manifesté. »