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L’ILE DU DIABLE


découvrir les espions est infaillible. On a donné un renseignement faux à Dreyfus ; on a la preuve que ce renseignement a été transmis aux Allemands ; la culpabilité, dès lors, est certaine.

Enfin Berthelot, ayant fait le même récit, ajouta que Mercier ne s’était pas contenté de cette preuve ; il raconta la scène de la dictée, telle qu’elle était accréditée au ministère. Personne, encore, n’en avait fait mention au dehors.

L’intelligence de Scheurer était trop scientifique pour se satisfaire de ces réponses ; cependant, il résolut de s’en tenir là. (C’était ce que voulait l’informateur inconnu.) Il déclara, dès lors, à Mathieu, sans entrer dans aucun détail, qu’il ne pouvait pas faire d’autres démarches, mais qu’il restait disposé à l’aider, à l’occasion, de ses conseils. Il l’engagea à poursuivre, sans bruit, ses recherches, à n’y pas mêler les journaux et à s’adresser à quelque ancien agent de la Sûreté[1].

IX

Dreyfus, à l’époque de ces premières démarches, était encore à l’île de Ré. Mathieu apprit un jour qu’un ami intime du nouveau Président de la République, son compatriote du Havre, le docteur Gibert, croyait à l’innocence du condamné. Gibert connaissait quelques uns des membres de la famille Dreyfus, savait l’estime où elle était tenue à Mulhouse et refusait d’admettre un crime sans mobile. C’était un homme excellent, d’une charité inépuisable, vénéré de tous les pauvres gens à

  1. Mémoires de Scheurer-Kestner (février 1895).