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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Bohême. L’année d’après, leurs hussards couvrirent la retraite de Prague, tenant tête aux nuées des cavaliers hongrois et pandours qui poursuivaient l’armée, et combattant nuit et jour, par un froid affreux, sur la terre glacée et sous la neige, jusqu’à Egra[1].

Valentin ne survécut pas à cette terrible campagne. Il en mourut, comme Vauvenargues, et du même empoisonnement du sang par le froid[2].

Pendant qu’il tenait garnison dans les Cévennes, il avait séduit, puis épousé[3] une demoiselle du Vigan, d’une famille ancienne, autrefois riche, Philippine de la Nougarède, comtesse de La Garde, et en avait eu un fils, quatre mois après son mariage[4], et une fille. La reine (Marie Leczinska) pensionna la veuve et mit la fille à Saint-Cyr ; Berchény fit élever le fils de son compagnon d’armes avec son propre fils[5].

On vit bien, avec Ladislas-Valentin, combien était mince l’écorce française de ces mercenaires. Comblé des bienfaits de deux rois, lieutenant-colonel à vingt ans[6], quatre ans plus tard colonel-propriétaire du Royal-Esterhazy qui a été reformé pour lui[7], puis, sans avoir jamais tiré l’épée et sans autre mérite que sa brutale beauté, maréchal de camp, gouverneur de Rocroy, inspecteur général, membre du conseil de

  1. Décembre 1742. — Susane, II, 247, 253.
  2. Le régiment des hussards Esterhazy passa, en 1743, sous les ordres du mestre de camp David ; il devint ensuite la propriété du comte de Turpin (1747), puis du marquis de Chamborant, dont il prit le nom (1761).
  3. 9 juin 1740.
  4. 22 octobre 1740.
  5. Mémoires inédits du comte Ladislas-Valentin Esterhazy, dans le recueil de Feuillet de Conches, IV, 4.
  6. 1760.
  7. Ce second Royal-Esterhazy fut levé par ordre du 10 février 1764.