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CHAPITRE II

L’ILE DU DIABLE

I

Dreyfus, en arrivant aux îles du Salut, écrivit à sa femme :

J’ai été transporté comme le méritait le vil gredin que je représente ; ce n’est que justice. On ne saurait accorder aucune pitié à un traître ; c’est le dernier des misérables : tant que je représenterai ce misérable, je ne puis qu’approuver[1].

La traversée[2] avait été pénible. Pendant les quatre premiers jours, il ne put quitter sa cellule, sorte de cage grillée, où il tremblait de froid. Il fut autorisé ensuite à monter, chaque jour, sur le pont, pendant une heure. Des gardiens armés ne le quittaient pas de vue[3], épiaient son sommeil. Il eut des cauchemars,

  1. Du 14 mars 1895.
  2. À bord du Saint-Nazaire, du 22 février au 12 mars.
  3. Rennes, I, 48, Rapport de traversée du Dr Ranson.