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Ce langage, si naïf dans sa prétendue habileté, si imprudent dans son apparente sagesse, fut toujours celui des corps privilégiés et fermés ; il avait bien des chances d’être entendu. Le Saint-Siège l’approuva, en somme ; les docteurs le goûtèrent fort et jugèrent, en cette affaire, leur collègue plutôt fâcheux. Pourtant quelques années plus tard, quand l’Université, menacée dans ses privilèges, sentait le besoin de les défendre, ou plus tard encore, quand, les ayant reconquis, elle tâchait à les justifier, ses chefs parlèrent deux fois d’autre sorte, à la fois plus sages et plus courageux. S’adressant au primicier qui venait d’être installé, un des doyens du Collège, M. de Poulle, l’incitait à une énergique défense des droits universitaires, mais aussi à une rigoureuse surveillance et à un étroit contrôle sur tous les membres du corps. Il insistait en particulier sur les devoirs des régents, trop souvent oubliés. « Représentez aux professeurs, s’écriait-il en finissant, combien il importe qu’ils raniment leur ardeur ; ils doivent leur talent, leur science, leur exactitude au plus petit nombre comme au plus grand. Rien ne doit les dégoûter ; ils doivent se présenter aux classes, quand ils devraient y être seuls… Que les promoteurs soient attentifs à ne présenter pour les grades que des sujets instruits dont l’ignorance ne fasse point rougir celui qui les présente ou ceux qui les écoutent. Repoussez avec fermeté et sans ménagement ceux qui ne sont pas sans reproche du côté de la vie et des mœurs ou qui n’ont point souci de leur bonne renommée… Soyons sans blâme, car on rend les corps responsables des fautes des particuliers[1]… »

    Il reconnaît d’ailleurs que de regrettables cabales se forment dans le sein du Collège en vue de l’élection du primicier ; mais il ne propose aucune mesure pour les empêcher. — « Le corps est assez gangrené, avait dit M. de Saint-Laurent, pour ne devoir espérer son salut de lui-même. »

  1. A. V. D 35, fo 44. Assemblée du Collège des docteurs du 17 juillet 1770. Discours de M. de Poulle, qui fait fonction de proprimicier. M. Teste, élu primicier le 4 juin, venait d’arriver de Paris et prenait possession de sa charge.