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Pauvreté des missionnaires.

Quelques missionnaires se plaignent sans cesse de leur pauvreté comme de l’unique obstacle qui les arrête ; à les entendre, ils semblent toujours à la veille de convertir leur province, pourvu qu’on augmente leur subvention annuelle quelques mille francs. L’Association de la propagation de la foi acquiesce à leurs voeux, et les sommes sont envoyées ; l’année suivante, mêmes plaintes et mêmes demandes de leur part. Toute leur vie se passe ainsi à solliciter des secours, et le moment de commencer la conversion des infidèles ne vient jamais.

Sans doute les missionnaires ont besoin de secours, mais une expérience aussi universelle que persévérante, vient confirmer l’infaillibilité de la promesse faite par Notre-Seigneur, que jamais rien ne manquerait sur ce point aux ouvriers évangéliques.

Il est même à propos d’observer que si l’on voit le missionnaire si abondamment fourni d’argent, et soigneusement pourvu de tout ce qui contribue au bien-être, il en résulte de nombreux et graves inconvénients, tous de nature à nuire beaucoup au succès de son ministère.

Les néophytes s’habituent peu à peu à ne voir en lui qu'un mercenaire richement salarié.

Tant de sommes d’argent qui lui arrivent coup sur coup font insensiblement naître le soupçon et la défiance ; on se demande secrètement quel intérêt des peuples étrangers peuvent-ils avoir à entretenir avec de si grands frais, un propagateur de leur doctrine dans des pays si reculés.

Les sentiments de générosité et de désintéressement s’éteignent dans les personnes qui aident le missionnaire à traiter les affaires de la mission ; on ne voit plus là qu’une opération d'argent ; personne ne veut faire sans salaire des choses pour lesquelles le missionnaire paraît si richement rétribué.

L'Église, au lieu d’être soutenue par les indigènes et de s’y implanter, reste, au contraire, au milieu d’eux comme une institution opulente, enrichie par l'argent de l’étranger, et livrée pour ainsi dire à leur discrétion. Tous les missionnaires se plaignent de ce qu’au lieu de recevoir quelques secours des chrétiens indigènes, ils sont parmi eux comme un mouton dont chacun se croit en droit d’arracher la laine.