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Mais par la circonstance des lieux, des temps ou des moeurs de tel ou tel peuple, la religion, outre ce qu’elle a d’universel, a produit certaines formes ou pratiques particulières qui varient de siècle à siècle, de nation à nation, de royaume à royaume. Tels sont certaines dévotions, certains ordres religieux, certaines confréries. C’est là comme le menu branchage, le couronnement et la parure de l’arbre catholique ; et bien que ces pieux usages soient infiniment vénérables et utiles pour les pays, les temps ou les peuples chez lesquels la religion les produit, en tant qu’ils ne sont cependant, ni les racines, ni le tronc, ni les branches principales de l’arbre, le missionnaire ne doit s’y attacher, pour ainsi dire, qu’en second lieu, lorsqu’il s’agit de transporter cet arbre dans les pays étrangers.

Car il serait à craindre, dans ces commencements, que la religion, surchargée en quelque sorte de pratiques de dévotion ou de cérémonies particulières à certains pays ou à certaine époque, ne perdit aux yeux des peuples ce caractère de simplicité, d’unité et d’universalité, qui est le signe principal de la divinité de son origine ; et que la force sous laquelle elle serait présentée, n’offrit plus cette éclatante lumière et cette irrésistible force qui lui obtinrent autrefois la conquête du monde.

Du reste, on voit que Notre-Seigneur a donné lui-même l’exemple d’une semblable discrétion, lorsqu’il dit à ses apôtres « J’aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas encore les porter. » Jean, 16, 12.

Et on conçoit que l’abus deviendrait bien déplorable si le missionnaire s’attachait de préférence à ces formes complémentaires de la religion, et les mettait à la place des points qui en font le principal.

Il est hors de doute, du reste, que la religion, transplantée ainsi seulement avec ce qu’elle a d’universel, d’obligatoire et de convenable pour toutes les nations, tous les temps et tous les lieux, une fois qu’elle aura pris racine dans le pays saura bien y produire les compléments qui lui seront nécessaires ; seulement, les moeurs et les localités feront probablement présenter dans ces formes complémentaires quelques variantes d’avec ce que nous voyons en Europe.