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prêcher aux chrétiens, les confesser et converser quelque peu avec ceux qui les entourent ; mais arrivés à ce point, la plupart s’arrêtent et ne poussent pas plus loin leur étude et leur science.

Or, ne possédant que très imparfaitement cette langue, ils ne peuvent jamais se produire en public, et restent toujours entre les mains de quelques chrétiens qui leur servent comme d’interprètes. Ils passent ainsi leur vie entière comme dans une prison perpétuelle, sans jamais connaître le peuple au milieu duquel ils vivent ; sans pouvoir se mettre au courant des erreurs et des superstitions qui règnent parmi les païens, sans pouvoir même, en aucune manière, se mettre en relation avec eux.

De là, restant éternellement étrangers à tout ce qui se passe autour d’eux, ils sont dans l’impossibilité absolue de converser sensément avec les gens du pays et de s’attirer leur confiance. Aussi, les lettres de la plupart des missionnaires de Chine font voir combien ils sont peu au courant des affaires de cet empire. Beaucoup de prêtres européens, après avoir passé la plus grande partie de leur vie en Chine, parce qu’ils ont toujours été renfermés dans l’intérieur des familles, entre les mains de leurs catéchistes, intéressés à les tenir continuellement sous leur tutelle, ne seraient pas capables d’avoir un entretien d’un quart d’heure avec le premier étranger venu.

Il faut remarquer encore que le langage des chrétiens est tellement mêlé de locutions, uniquement consacrées à la dénomination des choses religieuses, qu’il forme comme une langue à part au milieu des divers dialectes de l’empire de Chine, tout à fait inintelligible pour les païens. Ainsi, le missionnaire qui n’aurait jamais été en rapport qu’avec les chrétiens, en quelque perfection qu’il en parlât la langue, serait toujours incapable de se faire comprendre des infidèles, Il faut, pour bien apprécier cette différence, avoir passé par les deux situations ; savoir ; celle du missionnaire renfermé chez les chrétiens, et celle du missionnaire obligé de se produire parmi les populations païennes.

Après avoir passé huit ans au milieu des anciennes chrétientés, par ordre du vicaire apostolique de Mongolie, je