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trielle et en relation avec les socialistes chrétiens, je m’étais jeté avec un enthousiasme ardent sur les critiques enflammées de Unto this Last. Je les considérais alors et je les considère encore aujourd’hui comme « l’œuvre la plus utile » que Ruskin ait donnée au monde.

Il m’accueillit avec une courtoisie en quelque sorte radieuse quand je lui exposai que j’avais désiré le voir pour mieux connaître ses idées sur la question du travail et de la richesse. Je me le rappelle comme un homme d’assez frêle apparence mais de grande taille (il avait cinq pieds et dix pouces), les épaules un peu voûtées, une physionomie singulièrement mobile et expressive. Il avait des yeux bleus perçants, pleins de feu et d’esprit, les cheveux bruns, abondants et bouclés, les sourcils très accentués et comme hérissés, les lèvres mobiles en dépit d’une cicatrice datant de l’enfance. Sa physionomie était éminemment spirituelle, séduisante et paraissait dégager une sorte de magnétisme. Je me le représente alors tel qu’il fut peint au pastel par Richmond, en 1857, et quelque peu idéalisé comme c’était la coutume de l’artiste. De tous ses portraits, c’est celui qui rappelle le mieux l’étincelle, la nerveuse activité de son âge mûr et qui donne le mieux le sentiment de son génie si sympathique. Quelle différence entre ce portrait de Ruskin à l’âge de 39 ans et la