Page:John Ruskin par Frédéric Harrison.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

posséder à fond l’histoire de Venise, à plus forte raison pour celle de l’Italie pendant toute la durée du Moyen Age. Un archéologue consciencieux dépenserait plus d’années que Ruskin n’a consacré de mois pour mettre au jour toutes les choses antiques recouvertes maintenant de terre et de plantes marines à Saint-Marc ou dans les palais du Grand Canal. Un homme dont tout le bagage théologique consistait dans la Bible et les volumes de sermons admis dans un milieu strictement calviniste, n’était point équipé pour en remontrer à Auguste Comte, à Mill, Buckle et Herbert Spencer sur l’évolution de la civilisation ou l’histoire de la religion. Il n’était même guère convenable de se moquer des économistes depuis Adam Smith jusqu’à Henry Sidgwick avec une connaissance de leurs ouvrages égale à celle d’un vicaire se piquant d’esthétique en passe de devenir diacre. Ruskin ne parvint jamais à le comprendre ; l’éducation qu’il avait reçue dans une sorte de nursery puritaine, l’épaisse carapace d’égoïsme sous laquelle, pendant sa jeunesse, il avait été claquemuré, rendait la chose impossible. C’est ainsi que John Ruskin se lançait à l’assaut contre tout le monde — artistes, critiques, historiens, philosophes, théologiens et économistes, avec la même ferveur religieuse que les premiers martyrs chrétiens au temps de l’Empire romain et aussi — avec le