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madame d’youville

chaque pas dans la vase, traversant mille ruisseaux et s’égarant dans des fourrés sans issue. Peu aguerries à la marche, nous étions hors d’haleine, et je voyais que quelques-unes de nous étions trop faibles pour résister. Il fallut se reposer… »

… « Nous eûmes toute la nuit une pluie battante ; les éclairs sillonnaient la nue, le tonnerre faisait trembler la terre. Le matin nous nous levâmes fiévreuses, les membres raidis par l’humidité et frémissant à la pensée de ce qui nous attendait. Mais Dieu avait pourvu à nos besoins : la pluie de la nuit avait augmenté la crue des eaux, de sorte que nous pûmes tous monter dans les barges, et s’il fallut encore marcher quelquefois, ces courses ne dépassèrent jamais nos forces…

« Arrivés au Grand Rapide, un spectacle nouveau nous attendait. D’énormes rochers entraînés par les glaces ont formé une petite île au milieu de la rivière et qui, en interceptant son cours, la divise en deux et lance ses eaux qui retombent de cascade en cascade. La vue seule de ce gouffre fait frissonner, et cependant il faut aborder l’île juste à l’endroit où les courants se divisent : un coup de rame maladroit peut précipiter la barge dans ce gouffre béant. Nous abordâmes heureusement ; les hommes réussirent à tirer le bagage ; mais il s’agissait de traîner la barge, elle était trop lourde pour la porter. Il fallait se mettre de la partie. On nous attela deux à