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au moins quelques-uns, ce qu’elle fit dès l’année 1754, c’est-à-dire un an à peine après avoir obtenu les lettres-patentes qui lui assuraient la possession de l’hôpital.

Quelques années après, la colonie passait sous une autre domination. Le gouvernement anglais, bien que succédant aux obligations du roi de France, ne voulut pas se charger du soin de ces enfants, et on vit ces petits infortunés, abandonnés par des mères sans entrailles au coin des rues, sur les places publiques et jusque sur le fleuve glacé, dans les froids intenses de l’hiver, exposés à périr et même à être dévorés par les animaux.

Un jour, par un des grands froids de janvier, Mme d’Youville passait sur la glace d’une petite rivière dont les eaux coulaient près du mur de l’Hôpital Général. Tout à coup elle aperçoit un enfant gelé, qu’une mère inhumaine avait abandonné. L’innocente créature avait encore, enfoncé dans la poitrine, le poignard qui lui avait ôté la vie et « ses petites mains élevées sur la glace, » dit M. Sattin, « semblaient demander grâce pour le crime de ses parents. »

La bonté est ce qui ressemble le plus à Dieu, a dit Lacordaire. À la vue de cet enfant assassiné, le cœur de Mme d’Youville fut navré et, puisant dans sa tendresse maternelle et dans sa foi de chrétienne la force de vaincre toutes les difficultés qu’elle entrevoyait,