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échalote et ses amants

accueillait ses recrues de la veille, et les patrons, qui finissaient par traiter les clients comme leurs propres enfants, encourageaient ses folies.

Échalote accomplit à ce restaurant modeste une entrée sensationnelle. M. Plusch la précédait. Soudain, entre eux deux, alors qu’ils n’avaient pas encore franchi la seconde salle, un homme se dressa, deux bras s’élevèrent, deux pieds s’agitèrent et Échalote reçut la plus belle raclée, la plus belle avalanche de claques et de coups de botte qu’une femme ait jamais enregistrée.

M. Plusch voulut s’interposer. Trop tard. L’homme, comme dans les feuilletons de M. Jules Mary, avait fui en criant :

— Souvenez-vous que je m’appelle Victor !

Les consommateurs se tenaient les côtes.

Une des manifestations caractéristiques de Montmartre, c’est la joie avec laquelle on regarde une rixe entre batailleurs des deux sexes quand c’est la femme qui prend la plus grande tripotée. Pour un peu on exciterait le mâle vainqueur : « Ksst ! Ksst !… » L’adversaire féminin, tant qu’il n’est pas à l’état de chair à pâté, n’inspire que la plus française hilarité. Est-ce donc que tout le monde a quelque peu à se plaindre de cette suave créature à laquelle nous devons le jour et le lait de notre jeune âge ? N’approfondissons pas davantage les raisons qui font de l’homme l’ennemi déclaré ou caché de sa compagne et jetons un pleur sur la pauvre Échalote dont la toilette, fraîche sortie de

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