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adonis’s bar

nadier de la rue Duperré vaque aux soins de sa maison et recueille les commandes des consommateurs avec la noblesse d’un jeune dieu descendu du royaume de Jupiter pour répondre momentanément aux exigences des mortels difficiles et nerveux. En réalité, il n’est issu que d’un gourbi arabe où, sous la surveillance d’une mère galeuse, il poussa, en compagnie d’autres moutards, parmi les poules étiques, les bourriquots pelés et les chiens roux et hargneux. Nourrie de couscous et de figues de Barbarie, son enfance ne fut agrémentée que de siroco et de grand soleil, La vaillance de son tempérament triompha et, à dix ans, biskri sur le port d’Alger, il stupéfiait les voyageurs par son agilité à grimper sur les navires, à les alléger de leurs bagages et à courir sur les passerelles, à l’aise, une malle sur le dos, comme s’il eût arboré un couvre-nuque.

De portefaix il était devenu garçon de brasserie. Mahomet lui défendant de se livrer à la boisson, il s’adonnait à celle des autres. Des « boums » plein les gencives, il recevait les commandes et les exécutait sur-le-champ. C’était un serviteur obéissant et aussi dévoué aux roumis qu’un Arabe patriote peut l’être. Il prenait leur argent et les méprisait. Ce sentiment s’accrut encore lorsqu’il n’eut plus à douter de l’opinion des dames françaises en sa faveur. Cent mouchoirs lancés par des mains impatientes atterrissaient vers lui. Avec la fierté du cheval de race qui ne gâche pas sa graine, il choisit parmi les joies offertes. Des caprices satisfaits ou refusés, le même dédain musul-

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