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LA PENSION BICHETTE

Bichette depuis la dernière saison et dont la femme légitime était cantatrice.

Il s’appelait Mulet et était le boute-en-train des repas. Il avait trente ans ; sa femme, connue au théâtre sous le nom de Marie-Louise, en avait quarante. Elle était falcon et chantait en français au Mondial-Théâtre, où le baryton et le contralto étaient Anglais et chantaient dans leur langue, tandis que la basse et le soprano, Allemands, le ténor Italien et les chœurs Canadiens chantaient dans la leur.

La pauvre femme avait perdu beaucoup de choses à Montréal. D’abord sa lucidité en épousant Mulet, ensuite ses deux seins laissés au bistouri d’un chirurgien du lieu. Amputée, toujours malade, elle comptait sur Mulet pour assurer sa vieillesse et ses infirmités croissantes. Il lui devait cela, au moins. Durant des années elle l’avait hébergé et nourri et, alors qu’il n’était bon à rien, lui avait inculqué un peu d’art comique.

Échalote, qui n’était pas méchante, s’apitoya sur cette victime et, immédiatement, réserva son dégoût au boute-en-train. Depuis Victor, qui avait tâté tragiquement du travail, elle ne comprenait plus la fainéantise. Dans un beau mouvement de