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quand il s’agit de faire accepter des vérités morales, il faut que toute la vie en soit l’évidente démonstration. L’enfant croit naturellement ; mais il est doué aussi d’une pénétration redoutable pour les éducateurs qui ne s’efforcent pas de mettre leur vie d’accord avec leur enseignement. Et malheur à celui qui altère la candeur de l’enfant, en lui montrant qu’on peut agir autrement qu’on ne parle ! C’est le plus souvent à nous-mêmes que nous devons nous en prendre de l’inutilité de nos leçons, car elle provient presque toujours d’une contradiction entre nos actes et nos paroles. Jean-Paul dit que « les enfants ressemblent le plus à leurs parents, précisément là où les éducateurs sont silencieux ». Il y a donc une prédication plus puissante que la parole, et qui agit indirectement et avec d’autant plus d’efficacité que cette action n’est pas la fin qu’elle se propose. C’est ce qui faisait la force des jansénistes, ces éducateurs par excellence, dont l’autorité était due moins au talent et au savoir qu’à la droiture, à la fermeté du caractère et à la dignité de la vie. Ils instruisaient par leurs actions bien plus que par leurs paroles, et leur devise était : « Patience et silence. » Jean-Paul résume en un seul mot l’œuvre de l’éducation, en disant que c’est « une transfiguration du disciple en maître ». Et pour que le maître puisse travailler à cette transfiguration, il faut qu’elle se soit d’abord accomplie en lui-même, que sa nature supérieure commande à l’autre, que son âme soit enflammée de la passion du