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blicaine, entraîné la presse libérale qui, déjà en partie, désarmait et auraient en France accentué le mouvement de sympathie qui, à Lyon, à Marseille, dans toutes les grandes villes se dessinait en faveur de la révolution parisienne. Thiers, en évitant à l’Assemblée de s’affirmer violemment monarchiste, assoiffée de sang et de carnage, interdisait à Paris de reconstituer, au pied des urnes, son unité morale, sous l’égide de la République et pour sa défense, et à la France républicaine de marcher à son secours.

Pourtant, le Machiavel bourgeois ne devait réussir qu’à demi. Une partie des effets qu’il souhaitait conjurer se réalisa quand même. Les étranges incidents dont l’Assemblée nationale avait été le théâtre, sus le lendemain matin à la réunion des maires par le rapport des députés arrivés de Versailles, produisirent un revirement subit. Les mitrailleuses introduites de nuit dans les mairies par les enragés de la résistance, les Dubail, les Héligon et consorts restèrent inutilisées. Le Comité central avait fait dès la première heure afficher une proclamation nouvelle où il disait : « Entraînés par notre ardent désir de conciliation, heureux de réaliser cette fusion, but incessant de nos efforts, nous avons loyalement ouvert, à ceux qui nous combattaient, une main fraternelle. Mais la continuité de certaines manœuvres, et notamment le transfert nocturne de mitrailleuses à la mairie du IIe arrondissement, nous obligent à maintenir notre résolution première. Le vote aura lieu dimanche, 26 mars. Si nous nous sommes mépris sur la pensée de nos adversaires, nous les invitons à nous le témoigner en s’unissant à nous dans le vote commun de dimanche ». Cantonnés sur ce terrain, les délégués du Comité, Arnold et Ranvier, revenus à la réunion des maires, emportaient les dernières oppositions. Une convention fut signée, qui mettait fin au conflit, décidait d’un commun accord les élections pour le 26, comme l’avait voulu le Comité central et réintégrait les maires en leurs mairies.

Dans la journée, la population était mise au courant du pacte. Ici cependant un incident encore. Deux affiches annonçaient la nouvelle : l’une du Comité central, l’autre des députés et maires, de textes légèrement différents. L’affiche du Comité central disait : « Le Comité central fédéral de la garde nationale, auquel se sont ralliés les députés de Paris, les maires et adjoints élus, réintégrés dans leurs arrondissements, convaincus que le seul moyen d’éviter la guerre civile, l’effusion du sang à Paris et, en même temps d’affermir la République est de procéder à des élections immédiates, convoquent, pour demain dimanche, tous les citoyens dans les collèges électoraux ». L’affiche des maires corrigeait : « Les députés de Paris, les maires et les adjoints élus, réintégrés dans les mairies de leurs arrondissements et les membres du Comité central fédéral de la garde nationale convaincus (le reste comme précédemment) ». Misérable querelle de mots qui, jusqu’à la fin, trahissait le mauvais vouloir des magistrats municipaux qui ne pardonnaient pas à leurs trop généreux vainqueurs de leur avoir un tant soit peu forcé la main. Mais