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mouvement d’approbation). Oui, Messieurs, je crie cela du fond de mon âme : car si je n’ai pas aimé mon pays depuis d’aussi longues années que l’honorable M. Thiers, je l’aime aussi ardemment que lui. Oui, je le dis du fond de mon âme, si l’agrandissement prussien est une humiliation pour nous, à quoi donc occupons-nous notre temps ? Chaque minute d’hésitation, c’est trop ! Chaque minute de retard, c’est trop ! Effaçons immédiatement l’outrage, détruisons cette Confédération qui nous menace, demandons au pays, qui ne nous les refusera pas, les sacrifices qu’une telle résolution exige. Et qu’on ne me réponde pas qu’il faut se réserver pour le moment où la Confédération du Sud viendra se fondre dans la Confédération du Nord. Mais alors il n’en sera plus temps, mais alors l’unité que vous voulez empêcher sera irrévocable ; mais alors les armées du Midi, équipées, disciplinées, s’uniront contre vous à l’armée prussienne elle-même, compacte, frémissante, pleine de patriotisme et d’ardeur ; cette Allemagne que vous voulez empêcher de. . . (Bruit).

M. Granier de Cassagnac. — Qu’est-ce que cela nous fait ? Pourquoi faites-vous cette évocation ? Croyez-vous qu’elle nous effraie ?

— Vous ne me troublez pas par ces interruptions calculées. Je laisse à l’opinion publique le soin d’apprécier cette tactique et je continue.

Cette Allemagne, que vous voulez empêcher d’être, sera. Pour arrêter la Prusse, il n’y aura jamais de moment plus favorable.

Quelques Membres. — C’est évident.

— Rien n’est terminé encore ; les mécontentements de la première heure existent encore dans les pays annexés ; dans les pays du Sud, on hésite : dans le Nord, on délibère. Partout on hésite et on se cherche. Si vous voulez agir, c’est l’heure. Attendre, sachez-le bien, et mes paroles seront recueillies et porteront témoignage de la vérité, attendre, être patient comme vous le conseille, c’est consolider l’unité allemande, la rendre définitive, sans avoir le bénéfice de l’assistance que cependant vous lui avez donnée en laissant faire ! (Mouvements en sens divers.)

« À mon avis, ce n’est pas de la bonne politique. Je ne vois qu’une conduite qui soit digne, qui soit sage, qui soit habile, c’est d’accepter sans arrière-pensée, c’est d’accepter sans pusillanimité, c’est d’accepter avec confiance une œuvre qui, j’en suis convaincu, n’est pas dirigée contre nous. » (Mouvement.)

Et il terminait par une éloquente glorification de l’unité allemande, de la part que l’esprit révolutionnaire de la France y avait eue. « Si vous saviez à quel point l’unité est devenue une passion profonde au cœur de l’Allemagne ! Depuis le jeune homme qui se passionne pour les abstractions orgueilleuses de la philosophie jusqu’à la jeune fille qui, d’une voix basse, répète un lied ému, tous désirent, appellent, attendent l’unité de la patrie. Dans le peuple, ce sont des légendes qui expriment le sentiment commun. Le vieux Barberousse n’est pas mort ; il vit, retiré avec sa cour, dans une montagne de Thuringe. Il est assis devant une table de pierre ; sa barbe blanche descend jusqu’à terre.