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raient le suffrage universel » sur ses qualités et sur les défauts de ses adversaires. Voter pour ce candidat officiel, c’était, disait-on, voter encore pour l’Empereur ; chaque élection devenait comme une réplique du plébiscite. Citons, entre cent, un exemple de recommandation préfectorale. Voici celle du sous-préfet de Fougères, en 1859, pour M. de Dalmas (Taxile Delord, Histoire du Second Empire, II, p. 612.).


_______« Monsieur le Maire,

« Le scrutin ouvre demain.

« J’ai l’honneur de vous rappeler que vous devez l’ouvrir immédiatement après la première messe ; que vous aurez sur le bureau un certain nombre de bulletins portant le nom de M. de Dalmas, et pas d’autres ; qu’il est important que des personnes intelligentes et sûres, munies de bulletins portant le nom de Dalmas, occupent les abords de la mairie et protègent les électeurs si bien intentionnés de votre commune contre l’erreur et le mensonge.

« Un cantonnier restera à votre disposition pendant les deux jours du scrutin.

« Trois candidats sont en présence :

« M. de Dalmas, secrétaire sous-chef du cabinet de l’Empereur, candidat du gouvernement ;

« M. Le Beselm de Champsavin ;

« M. Dréo, gendre de Garnier-Pagès, fondateur de la République de 1848, un de ceux qui décrétèrent les 45 centimes, dont vous avez gardé le souvenir.

« M. de Dalmas représente le principe du dévouement au gouvernement, à l’autorité, à l’ordre, et peut seul, par sa position, favoriser le développement des nombreux intérêts de l’arrondissement.

« M. Dréo représente la République, le socialisme, la misère !

« Entre ces deux candidatures opposées, la candidature de l’honorable M. Le Beselm doit s’effacer devant les intérêts de l’ordre et de la société menacés.

« Faites voter en masse, monsieur le maire, pour M.de Dalmas, candidat du gouvernement ; et, par votre conduite éclairée et patriotique, vous servirez à la fois le gouvernement de l’Empereur et l’intérêt général du pays.

Le sous-préfet de Fougères,
Thil.___


C’est, un peu forcée seulement, la note générale. Lorsque le Corps législatif discuta de cette élection, M. Baroche rappela victorieusement le principe du régime : « Si on laissait le suffrage universel sans direction, aux prises avec les passions locales, il pourrait devenir un grand danger ».

On conçoit les difficultés que devaient rencontrer, dans leur campagne,