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l’Internationale des menées démagogiques incohérentes, manifestait au contraire la logique et la vigueur de l’action ouvrière.

C’était le 22 juin que le procès s’était ouvert, devant la sixième chambre du tribunal correctionnel de Paris. Les prévenus étaient au nombre de trente-huit : dix-neuf sous l’inculpation d’avoir été les chefs ou fondateurs d’une société secrète ( !) ; parmi eux, Varlin, Malon, Murat, Johannard, Pindy, Combault, Héligon, Avrial, Assi, Langevin, etc. ; et dix-neuf autres d’avoir été membres de cette société.

Chalain présenta la défense générale. Il montra que l’Internationale n’avait pas eu besoin de provoquer les grèves ; que ces conflits n’étaient dus qu’à « la concurrence immorale et effrénée que se font entre eux les industriels et qui plonge les travailleurs dans une misère de plus en plus profonde ». Il dénonça la sainte-alliance des gouvernants et des réactionnaires contre l’association des travailleurs. Il stigmatisa l’envoi aux grèves de la troupe, mise par le gouvernement à la disposition des usiniers. Il réfuta avec éloquence l’accusation misérable et perpétuelle, lancée aux socialistes, de vouloir pillage et partage. Il dit enfin la force invincible de l’Internationale, expression actuelle de « cette forme définitive des sociétés humaines : la République sociale et universelle. »

Il plut à l’avocat impérial de déclarer qu’il protestait « contre cette phraséologie creuse, au milieu de laquelle il vivait depuis un mois ». Il sembla bon par contre aux Internationaux de soumettre ces débats à la masse ouvrière : ils savaient qu’elle ne serait pas longue à reconnaître tout ce que contenait devrai cette « phraséologie ». Dès juillet, les débats de ce troisième procès étaient imprimés.

Les condamnations qui frappaient Varlin. Malon, Murat, Johannard, Pindy, Combault et Héligon d’un an de prison, pour société secrète ; et leurs camarades, de deux mois seulement, pour avoir fait partie de l’Internationale, société non autorisée de plus de vingt personnes, n’étaient point des accidents susceptibles de gêner la poussée socialiste. Au point où en était le mouvement, elles ne pouvaient que le servir.

Dans toutes les villes, malgré les tracasseries multipliées, les militants continuaient leur travail, avec confiance, avec sérénité. C’est le 15 juillet, le jour même où la guerre contre l’Allemagne était décidée, qu’Aubry écrivait encore à Richard pour lui expliquer comment il faisait vivre la Réforme sociale, comment on pouvait facilement dans les diverses fédérations entretenir des organes analogues. Et il disait encore, en dépit des tracasseries dont il était victime, avec quelle confiance inébranlée il envisageait l’avenir

« Malgré toutes ces persécutions, écrivait-il, ces misérables perdent leur temps : car en ce moment elles ne font que persuader aux indifférents que les calomnies lancées contre moi et l’Internationale étaient complètement fausses. Et notre feuille commence depuis quelques semaines à être lue par la bourgeoisie, qui à son tour commence à voir que le mouvement ouvrier est plus