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un fonds de solidarité général, spécialement destiné à venir en aide aux grèves. Le comité nommé pour la gestion votait directement des prêts sur ce fonds.

Il y avait, d’autre part, la Chambre fédérale des sociétés parisiennes, fondée sur l’initiative des bronziers et constituée définitivement en décembre 1869. Après de longues discussions, il y avait été décidé que les dépenses seraient réparties après avoir été faites, et réparties entre les sociétés à raison de leur nombre de membres. Varlin avait quelque préférence pour le système financier de la caisse du sou, et c’était celui qu’il conseillait à Richard de faire adopter à Lyon (lettre du 19 février 1870). « De cette manière, lui disait-il, vous aurez toujours un fonds suffisant non-seulement pour couvrir toutes les dépenses de la Fédération, mais encore pour constituer un capital de garantie pour les emprunts que votre Fédération pourrait avoir à faire ». Et le secrétaire de la Chambre fédérale parisienne regrettait de n’avoir pu, faute de ce système, offrir aux sociétés bruxelloises une garantie sérieuse, pour les prêts à consentir à l’atelier de production des mégissiers. « Toutes ces garanties nécessaires, si nous voulons internationaliser le crédit, la Chambre fédérale des sociétés ouvrières de Paris ne peut les donner, attendu qu’elle est fondée sur un simple lien moral. La caisse du sou a devancé la Chambre fédérale à ce dernier point de vue. Dans la grève des ouvriers en instruments de chirurgie qui a eu lieu dernièrement, après celle des mégissiers, la caisse du sou a garanti un emprunt de 1.000 francs aux typographes de Bruxelles ».

L’idée de Varlin, c’était d’unifier cette double organisation, de fondre les deux groupements, de prendre à l’un son organisation matérielle solide, à l’autre son idée d’une action publique, concertée et méthodique, des sociétés ouvrières, comme telles. « La corporation des relieurs, que je représente, écrivait-il, toujours dans la même lettre, fait en même temps partie de la caisse du sou et de la Chambre fédérale ainsi que quelques autres corporations. Nous nous proposons d’amener la fusion des deux groupes qui se compléteront l’un l’autre, car l’un est essentiellement pratique, tandis que l’autre est trop théorique ou plutôt idéaliste ; je ne trouve pas le vrai mot ».

De ville à ville, de fédération, à fédération, de groupe à groupe, on échangeait les statuts : des envois accompagnent presque toutes les lettres. Le premier souci de tous ces hommes, c’est le groupement des forces ouvrières dans les syndicats, des syndicats locaux dans des Fédérations. A vrai dire, on ne sent pas trop alors le besoin d’organisations nationales de métier ou d’industrie : les relations entre Fédérations locales sont assez suivies pour en dispenser. Quant aux relations extérieures, elles ont lieu par l’Internationale. Que les sociétés adhèrent ou non, collectivement, à la grande association, c’est elle qui les réunit toutes, c’est elle qui anime d’une pensée commune de solidarité ouvrière toute cette grande armée du travail.