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sensible déception. Le 29 août 1865, M. Drouin de Lhuys fit entendre la protestation française : « Sur quel principe, écrivait-il dans une circulaire, repose la combinaison austro-prussienne ? Nous regrettons de n’y trouver d’autre fondement que la force, d’autre justification que la convenance réciproque des deux copartageants. C’est là une pratique dont l’Europe actuelle était déshabituée, et il en faut chercher les précédents aux âges les plus funestes de notre histoire ». Et le ministre français, après cette allusion au partage de la Pologne, opposait à la théorie du droit de conquête la théorie du droit des peuples constaté par plébiscite.

Vaine et triste protestation ! Dès alors, la France impériale n’était plus en état de soutenir ce qu’elle croyait le droit par la force de ses armes. Au moment où la Prusse partageait avec l’Autriche une terre allemande, promise et garantie par la Diète à un prince allemand, à l’heure où la Confédération germanique menacée aurait eu plus que jamais besoin de l’appui traditionnel que la France lui avait assurée contre les États trop forts et trop ambitieux, Napoléon III apparaissait comme frappé d’impuissance. Les préoccupations compliquées, qu’une politique dispersée comme la sienne appelait avec elle, paralysaient son action. Il commençait à parler sans agir, sans manifester sa force : dès alors, il avait droit au mépris de Bismarck. Le dur réaliste était en droit de penser que les forces matérielles de l’État français déclinaient.

Et, de fait, en ces mois-là, des troupes françaises de plus en plus considérables se trouvaient immobilisées et gâchées au Mexique, où la grande pensée du règne menaçait d’aboutir à la plus sinistre des aventures.

Nous avons dit plus haut (p. 136) la situation dans laquelle se trouvaient, au milieu de 1862, les 6,000 hommes de troupes françaises isolés au Mexique, lorsque Prim, sentant l’impuissance des monarchistes mexicains, venait de décider l’Espagne à retirer son épingle du jeu. Ç’avait été juste le moment, au contraire, où la France avait révélé son entier dessein de rétablir au Mexique une monarchie catholique. Depuis le début de l’entreprise, l’Empereur avait promis a l’archiduc Maximilien, gendre du roi des Belges, époux de la très catholique princesse Charlotte, de le faire Empereur du Mexique : il se sentait engagé d’honneur. Le général Lorencez avec ses six mille hommes n’avait pu prendre Puebla fidèle à Juarez (mai 1862). L’Empereur avait alors décidé l’envoi d’une expédition imposante, aux frais du Trésor français. En mai 1863, le général Forey à la tête de forces plus nombreuses, s’était emparé de Puebla. En juin, les troupes françaises étaient entrées à Mexico, et la junte,convoquée par elles, avait proclame Maximilien empereur.

Le Mexique était conquis, mais Juarez tenait encore les provinces du Nord ; Porfirio Diaz occupait le Sud, et contre l’étranger les patriotes, de plus en plus nombreux ralliaient les républicains.

Presque à contre-cœur, et désormais sans confiance dans la grande