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qui devait être le plus ferme appui de l’ordre, est devenue un foyer de complots. Le patriotisme de trois cents de ses membres n’a pu arrêter ses fatales tendances. Au lieu de faire des lois dans l’intérêt général, elle forge des armes pour la guerre civile… Je l’ai dissoute, et je rends le peuple entier juge entre elle et moi ».

En second lieu, le président réclame du peuple des pouvoirs plus étendus. « La Constitution, dit-il, vous le savez, avait été faite dans le but d’affaiblir d’avance le pouvoir que vous alliez me confier. Six millions de suffrages furent une éclatante protestation contre elle, et cependant je l’ai fidèlement observée ».

Mais le pacte fondamental n’est plus respecté de ceux-là même qui l’invoquent sans cesse : ils songent « après avoir perdu deux monarchies » à lier les mains du président, afin de renverser la République. Pour maintenir la République et sauver le pays, le président demande donc au peuple de nouveaux pouvoirs. Il lui demande « les moyens d’accomplir la grande mission qu’il tient de lui ». Cette mission, elle « consiste à fermer l’ère des révolutions, en satisfaisant les besoins légitimes du peuple, et en le protégeant contre les passions subversives. Elle consiste surtout à créer des institutions qui survivent aux hommes et qui soient enfin des fondations sur lesquelles on puisse asseoir quelque chose de durable ».

Il faut par une nouvelle constitution, créer un pouvoir stable. Les bases fondamentales de cette constitution doivent donc être les suivantes :

« 1o Un chef responsable nommé pour dix ans ;

2o Des ministres dépendant du pouvoir exécutif seul ;

3o Un Conseil d’État formé des hommes les plus distingués, préparant les lois et en soutenant la discussion devant le corps législatif ;

4o Un corps législatif, discutant et votant les lois, nommé par le suffrage universel, sans scrutin de liste qui fausse l’élection ;

5o Une seconde assemblée, formée de toutes les illustrations du pays, pouvoir pondérateur, gardien du pacte fondamental et des libertés publiques. »

C’est, on le reconnaît, le système du Consulat. La proclamation l’avoue hautement. Ce système n’a-t-il point, en effet, donné à la France « le repos et la prospérité » ? En l’adoptant, le peuple saura pour qui, pour quoi il vote. Il votera pour un gouvernement fort, comme celui du premier Bonaparte. « Si vous croyez, lui dit le président en terminant, que la cause dont mon nom est le symbole, c’est-à-dire la France régénérée par la Révolution de 89 et organisée par l’Empereur, est toujours la vôtre, proclamez-le en consacrant les pouvoirs que je vous demande. Alors la France et l’Europe seront préservées de l’anarchie, les obstacles s’aplaniront, les rivalités auront disparu, car tous respecteront, dans l’arrêt du peuple, le décret de la Providence. »