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été le duc de Parme. Il n’obtint que le principe d’une consultation des Roumains. Une loi électorale fut préparée… par la France. Singulière initiatrice de liberté, en vérité, que la France impériale de cette époque ! La Porte montra d’ailleurs qu’elle s’entendait, elle aussi, en élections : les neuf-dixièmes de la population furent exclus du vote. La France protesta : l’ambassadeur anglais à Constantinople, toujours le fameux Redcliffe avait une riposte prête, pour cet adversaire (à l’extérieur) ; des élections « officielles » : « Vous criez, dit-il à M. Thouvenel, contre la conduite du caïmacan à Iassy, eh bien ! lisez donc la circulaire de M. Billault sur la liberté des élections en France ». Le gouvernement français montra les dents, menaça la Turquie d’une guerre ; mais, sentant que l’Angleterre ne le suivrait pas, il se contenta de l’annulation des élections. Le 19 août 1858, à Paris, un nouveau Congrès régla l’affaire. La France laissa tranquillement effacer les concessions faites aux Roumains deux ans auparavant : ils demeurèrent sous la suzeraineté du sultan, séparés toujours en deux provinces et soumis au tribut, n’ayant pour toute satisfaction que l’uniformité administrative. Napoléon laissait en somme les Moldaves se débrouiller seuls ; et ils se débrouillèrent fort bien en élisant comme hospodar dans les deux provinces Alexandre Couza qui prépara l’unité et l’indépendance roumaines.

Mais depuis des mois déjà, « l’Orient n’était plus rien dans les calculs de Napoléon III ». L’Italie était tout ! C’était en Italie que la politique napoléonienne des nationalités, avec toutes ses conséquences, allait se déployer. Il nous faut rappeler en quelques mots l’évolution décisive qui venait de se produire dans le mouvement pour l’unité et l’indépendance en Italie.

Naguère encore, lors de la grande poussée d’opinion qui avait amené les soulèvements de 1848, Rome et la Papauté, exaltée par Gioberti, avaient tenu la première place. Les événements de 1848 et des années suivantes avait montré ce qu’était vraiment la papauté : l’obstacle à l’unité italienne, à la liberté italienne. Soutenue par les Bourbons, par l’Autriche, par la France réactionnaire, elle était apparue, dans sa vérité, comme le centre de la réaction… Mais d’autre part il avait été reconnu aussi que les républicains avaient été impuissants à défendre la liberté contre elle et contre l’étranger.

Alors, à l’heure où les princes italiens faisaient appel à la protection de l’Autriche et suivaient la papauté dans la voie réactionnaire, le royaume de Savoie, gouverné par un roi jeune, décidé à résister à l’Autriche, appuyé sur des ministres catholiques, mais hostiles à la réaction, apparut, dans la détresse, comme le point de ralliement des patriotes. Des hommes de tous les partis, des conservateurs, des révolutionnaires, des républicains se groupèrent autour de la monarchie sarde. Si Mazzini et Garibaldi, dans l’exil, demeuraient irréductibles, Rattazzi, Farini, Cialdini, instruits par la défaite, apportaient leur concours à l’État fort qui semblait, seul désormais, pouvoir conduire les Italiens à l’unité et à la liberté.

Un homme, entre tous, avait contribué a cette évolution, à ce nouveau