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Sur l’accusation même, un duel formidable, où les mots meurtrissaient comme des balles, s’engagea entre lui et Bourmont, Bourmont son lieutenant de Lons-le-Saunier, Bourmont qui, revenu de l’armée ennemie, honoré pour sa trahison, l’accabla… Les défenseurs s’attardèrent à des querelles puériles sur les dates, sur les faits, au lieu de s’élever à un débat digne de leur client et de leur cause. Il fut condamné le 6 décembre à la peine de mort par 139 voix contre 17.

Parmi ceux qui signèrent l’arrêt, qui, obligés de châtier, nous le reconnaissons, n’écoutèrent ni la générosité, ni l’intérêt du roi, qui ne comprirent pas qu’à une époque pareille toute peine irréparable était une faute, on rencontre : duc d’Uzès, duc de Chevreuse, duc de Rohan, duc de la Rochefoucauld, duc de Levis, duc de Castries, duc de Doudeauville, Latour-Maubourg, prince de Baufremont, comte de Caraman, marquis de Gontaut-Biron, comte de la Guiche, comte d’Haussonville, vicomte Mathieu de Montmorency, comte de Mun, etc. ; Et voici le vote des maréchaux : Marmont, Pérignon, Sérurier, Kellermann, Maison, Dessolles, Victor, Ganthaume (amiral) votèrent la mort. Le lendemain, 7 décembre, au matin, le maréchal Ney fut fusillé dans les jardins de l’Observatoire.

Au même moment, en Italie, mourait Murat : après avoir trahi l’empereur au profit de la coalition, il avait attaqué celle-ci qui le repoussait. Chassé de son trône fragile, il arrive en France, rejeté avec mépris par Napoléon, se cachant le jour dans les anfractuosités des rocs, marchant la nuit ; il put, par mer, gagner l’Italie et y accéder. Mais saisi, arrêté, jugé, condamné, par les ordres de Ferdinand, il fut fusillé.

Mais une victime avait échappé au peloton d’exécution : le comte de La Valette, directeur des Postes sous l’Empire, avait repris aux Cent jours son emploi, ressaisi sa fonction avant l’entrée de Napoléon à Paris. Ensuite il avait refusé de se cacher, s’imaginant n’être poursuivi que pour usurpation de fonctions. Il le fut, mais pour avoir pris part, par son usurpation, à un complot. Le soir même du jour où il fut jugé, il fut condamné à mort : l’exécution devait avoir lieu le lendemain. Le soir, cependant, sa femme le vint voir : une héroïque supercherie la fit se substituer au prisonnier qui sortit habillé en femme, tandis que madame La Valette demeurait derrière un paravent, assez longtemps pour échapper aux regards du gardien. Pendant ce temps, La Valette, sanglotant, accompagné de sa fille, traversait les corridors. Une première épreuve le fit presque défaillir : on n’ouvrait pas la grille et il n’osait pas parler ! On l’ouvre et il prend place dans la chaise de poste de sa femme : les porteurs étaient partis. Dix minutes s’écoulent. Enfin, d’autres porteurs arrivent.

Mais le gardien a fini par découvrir la substitution : il veut se précipiter au dehors. Madame de La Valette se suspend à son cou. Il crie, on vient, on se jette partout, on court. La Valette fut introuvable. Le lendemain, le mi-