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sées, ses merveilles, ses splendeurs, et se vautrer dans cette cité maudite. Enfin, après une nouvelle et insistante démarche, au cours de laquelle on disposa, dit-on, d’une partie de l’argent d’Ouvrard, le feld-maréchal se montra plus conciliant. Les bases de l’armistice furent arrêtées. On se réunit à Saint-Cloud, et la signature de la France, par la main du ministre des Affaires Étrangères Bignon et par la main de Davoust, fut apposée au pied de ce document. L’armée quittait Paris pour aller se réfugier derrière la Loire. On livrait Saint-Denis, Saint-Ouen, Neuilly, Clichy. On permettait à la garde nationale de veiller à la sécurité de la ville. On garantissait les propriétés privées, et, sauf les musées et les édifices servant à la guerre, tous autres bâtiments…

Ainsi Paris fut livré par Davoust qui, avant même la nomination de la commission d’armistice, avait offert lui-même la cessation des hostilités à Blücher, et qui en avait reçu une lettre injurieuse où le feld-maréchal allait jusqu’à lui rappeler, par voie d’insinuation, les spoliations dont lui, Davoust, était accusé de s’être enrichi à Hambourg ! Paris était livré par les généraux superbes ! Que la nation ait frémi de la guerre, en ait souffert, en ait eu l’horreur, ait maudit ce fléau, c’était juste, c’était bien. Mais ces maréchaux qui s’y étaient enrichis, ces roturiers qu’elle avait élevés au-dessus de l’aristocratie ancienne, ceux qui lui devaient tout, c’étaient ceux-là qui maintenant fléchissaient le genou. Pouvait-on, contre toute l’Europe, emporter la victoire définitive ? Évidemment non. Mais il y avait l’honneur ; il y avait même l’intérêt. Car on pouvait tenir en échec les puissances, et par la vaillance préparer à la diplomatie de plus honorables issues.

Paris était livré. Pour éviter ou pour atténuer les froissements de l’orgueil national, Fouché qualifia de « convention » cette capitulation. Mais après l’avoir signée, il fallait bien l’exécuter, et le premier acte à accomplir c’était de faire rétrograder l’armée. Celle-ci refusa. Une agitation dangereuse commençait à poindre. Mais, sans chef, en proie à des généraux sans renom, et qui même lui refusaient leur épée, elle se débanda. Elle réclama sa paie en retard : Laffite offrit deux millions sur gage, et l’armée, enfin payée, quitta Paris, alla, sans combattre, se masser derrière la Loire.

La prostration était telle qu’aucune protestation notable ne se fit jour dans cette population de 700 000 âmes, dont la plus riche partie sollicitait l’étranger, dont la plus pauvre, sans armes, sans direction, se serait battue, mais ne pouvait vivre dans l’incertitude, et s’avilissait dans cette atmosphère de lâcheté. C’est dans cette ville que Blücher fit son entrée : ses troupes, arrivées par la rive gauche, passèrent le pont d’Iéna, défilèrent sur la rive droite, laissant sur leur route des détachements, contournèrent la Bastille, et revinrent, en sens inverse, jusqu’aux Champs-Élysées. Elles logeaient chez l’habitant : cette condition avait été exigée par Blücher.

Et le Parlement ? Le Parlement discutait. La Chambre des pairs, pré-