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Toute sa vie il avait gourmande la faiblesse fraternelle qui avait, à l’entendre, conduit au désastre la monarchie. Toute sa vie, il avait déclaré que l’acte brutal du fer déchaîné eût sauvé de la captivité et de l’échafaud le débile monarque dont il entendait bien ne pas suivre le détestable exemple. Il aimait mieux « monter à cheval qu’en charrette. » Il se prépara donc à monter à cheval. On verra que ce ne fut que pour forcer le cerf dans les bois de Rambouillet pendant qu’à Paris tombait sa couronne.

Il signa. Il signa le testament d’ailleurs inefficace de la monarchie. Quatre ordonnances reçurent aussi le sceau des ministres. La première ordonnance visait la presse : elle interdisait à tout journal de paraître sans autorisation, renouvelée tous les trois mois et révocable. Un écrit qui aurait plus de vingt feuilles ne pouvait paraître qu’avec l’autorisation du ministre de l’intérieur. Conséquence : c’était la presse mise dans la main du pouvoir et les livres aussi.

La seconde ordonnance dissolvait à nouveau la Chambre.

La troisième ordonnance et la quatrième avaient trait aux élections ; la Chambre était réduite de moitié ; les patentés exclus, la grande propriété foncière seule admise au droit de vote ; la Chambre renouvelable partiellement par cinquième, et dépouillée du droit de proposer un amendement.

Le cri de révolte que devait arracher à toute conscience, même oblitérée par le principe royaliste, cet acte de folie, ne fut poussé, cependant, que par quelques hommes. Une sorte de stupeur pesa d’abord sur les esprits. Ce n’était plus la violence couverte au moins d’une apparence légale. C’était la provocation armée, la guerre civile ouverte. Précisément, en prévision des troubles légers qu’il prévoyait tout de même, M. de Polignac avait massé à Paris quelques effectifs. Près de vingt mille hommes se tenaient prêts et on avait remis aux mains impopulaires de Marmont les pouvoirs rigides de la répression même sanglante.

La stupeur pesa longtemps sur les esprits. Que faire ? On avait envisagé tous les moyens légaux, articles de journaux, banquets de protestation, réunions, rédaction d’une adresse nouvelle (car on ne croyait pas à la dissolution), tout, sauf que le pouvoir violerait la Charte et hérisserait autour de lui les baïonnettes. Que faire ? Le peuple lent à s’émouvoir, peu touché par des journaux qui agitaient tous les problèmes sauf celui de son indépendance définitive, écarté par un cens étroit du champ des partis, le peuple ne savait rien encore quand les privilégiés, à qui le sort de la politique était remis, déjà enfiévrés et indécis, s’agitaient. On prit même pour de l’indifférence cette ignorance.

La bourgeoisie libérale, étroite et rude, sauf quelques exceptions qui l’honoraient, n’était pas prête à une résistance violente. Et d’ailleurs, comment l’eût-elle opposée, sans les faubourgs, sans le peuple, sans l’auxi-