Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/248

Cette page a été validée par deux contributeurs.

constitutionnelle sépare au moins des responsabilités. Ainsi il appelait sur sa tête blanchie et entêtée tous les coups. Ainsi, par avance, il faisait sienne la défaite, et interprétait, non contre un ministère, mais contre le régime, le vote qu’allait émettre le pays.

Emmaillotté dans la fraude et dans la ruse, courbé sous la pression de la propriété insolente et du pouvoir arrogant, le pays se leva tout de même et, devant le péril ressuscité de l’ancien régime, dressa, sous l’air pur du ciel, sa taille fière et forte. Sous l’amas des bulletins vengeurs, le trône fut submergé : sur 148 députés à élire, le trône en obtint 55 ! M. d’Haussez, ministre, fut repoussé dans cinq collèges. Ainsi, non seulement les 221 votants de l’adresse revenaient, mais la minorité de 181 voix, qui avait soutenu le roi, était entamée au profit des libéraux. Il y avait bien une majorité de 40 voix, mais elle était, portée au double, du côté des adversaires du ministre…

C’était la déroute. En vain, pour en pallier l’effet, toutes les cloches saintes, dans la journée du 9 juillet, renvoyèrent leurs échos à tous les tumultes des grandes villes ou à toutes les solitudes des champs. En vain on célébra par l’encens et par la poudre mêlés la victoire que nos troupes venaient de remporter sur les murs d’Alger. La France, depuis trois ou quatre ans, avait de légitimes griefs contre les Barbaresques qui rendaient tous les jours moins sûres et moins honorables les relations de commerce. Des réclamations introduites touchant des créances non recouvrées s’étaient heurtées à la fois à l’iniquité et à l’insolence du dey. Les ministres s’étaient souvent entretenus de la question de savoir s’ils ne mettraient pas fin à cet état, purgeant ainsi la Méditerranée des vols et des rapts que des corsaires audacieux venaient accomplir loin même de leurs propres eaux. Soudain, un incident brutal ne permit plus l’indécision. Notre consul Deval se présentant devant le dey pour faire valoir des réclamations au nom du Gouvernement, sur une réponse par lui faite à une insolence du dey, reçut un coup d’éventail. Le ministère, soutenu par tous les partis, encouragé même plus fortement par les libéraux que par les royalistes, décida une expédition armée.

Le commandement de l’armée de 37 000 hommes qui devait débarquer fut confié, au milieu des protestations les plus violentes, à M. de Bourmont. Marmont, qui avait sollicité la fonction, que son ancienneté et l’élévation de son grade rendaient plus susceptible de recevoir le commandement, fut écarté. Le destin le réservait à une besogne aussi sanglante et moins glorieuse.

La flotte ne commit pas la faute qui avait failli coûter à Charles-Quint plus que ses navires et son prestige, sa vie. Elle n’aborda pas Alger de front, faisant face, sur une côte hérissée de canons, à des hauteurs d’où la mort, comme tombant du ciel, jaillissait. Le chef de l’expédition profita d’un plan