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lui donner, par la présence de cet émigré intraitable, partisan des plus folles mesures de réaction, une couleur que n’auraient pu tolérer ses membres. Le roi comprit, Polignac aussi, et il repartit après avoir prononcé en faveur de la Charte et du parlementarisme un discours où une conversion hypocrite à de nouvelles idées apparaissait, satisfaisante seulement pour les naïfs.

Personne ne crut au repentir politique du prince intraitable ni que cette intransigeance hautaine avait pu abdiquer les théories du droit divin lui pour se commettre au soutien de la Charte. Mais s’il ne laissa pas derrière lui des convictions, le prince laissa derrière lui un plan : réunion sur le terrain royaliste de toutes les fractions royalistes qu’une stupide et stérilisante division avait affaiblies, et, par l’union reconquise, la chute du ministère était certaine.

On put croire un moment à l’échec définitif de ce plan quand on vit le résultat de l’élection présidentielle dans la session de 1829. Royer-Collard fut élu le premier et les royalistes ultras ne purent grouper sur le nom de M. de la Bourdonnaye que quatre-vingt-dix voix, mais cette assurance donnée à la droite de sa faiblesse numérique lui fut plus un encouragement qu’une déception. Seulement, puisque par le seul nombre elle ne pouvait pas triompher, elle allait, par la ruse et la diplomatie parlementaire, essayer de presser les événements.

Le parti libéral était reconnaissant à M. de Martignac de son attitude. Aux gages par lui fournis, le parti répondit par un gage identique : il ne soutint pas, il retira au contraire, en séance, la proposition de mise en accusation dirigée par un de ses membres, Lubey de Pompières contre M. de Villèle. Ainsi, il permettait à M. de Martignac de tenir, vis-à-vis du roi, la promesse faite et qui, on le sait, consistait à épargner toute amertume ou tout affront à ses prédécesseurs, et M. de Martignac s’imaginait que tous ces procédés aimables et utiles en même temps lui permettraient de conquérir définitivement sur le roi une influence que leur récent voyage triomphal en Alsace, et où l’émotion du roi s’était manifestée par des larmes, lui permettait de croire acquise.

Cette émotion, si elle n’avait pas été factice, avait été fugitive. Dès qu’il avait quitté des yeux les paysages sévères de l’Alsace, égayés pour lui de mille fleurs et de mille lumières, le roi était retombé aux mains de la congrégation tenace. Des intrigues dont elle était le bras, dont il était le pivot, entouraient le ministère et au loin Polignac veillait. Dans des manifestations successives, la droite de ce Parlement démontrait son visible intérêt qui était de reprendre à ces mains trop libérales le fardeau du pouvoir.

M. de Martignac avait déposé, le 10 février 1829, un projet de loi sur l’organisation des communes, un autre projet sur l’organisation départementale. Ce double projet avait pour but d’affirmer, en ce qui concernait la gestion de la commune, le principe de l’élection ; en ce qui concernait le