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tournaient à leur programme. En deux parties égales la Chambre était divisée. Restait entre ces fractions une trentaine de membres qui obéissaient à la direction politique de M. Agier. Ils n’étaient pas ultra-royalistes, ils n’étaient pas libéraux. Ils avaient le désir de concilier la Charte avec le libéralisme et, pour mieux dire, de rendre le libéralisme monarchique et la royauté libérale. Dans une période aussi troublée, cette fraction devait être souveraine, et selon qu’elle apporterait ses votes à l’une des parties de l’Assemblée, déterminer une politique de recul ou de progrès. Cela ne manqua pas.

Le premier effet se manifesta dans l’élection du président. Au premier tour de scrutin, le parti ultra l’emportait sur le nom de M. de la Bourdonnaye, tandis que Royer-Collard et Casimir Périer arrivaient les derniers sur cinq. Il fallut un second tour, et la fraction de M. Agier, froissée de l’attitude de la droite, vota pour les candidats libéraux, si bien que M. Delalot, un ami de M. Agier, fut désigné le premier. En haine de cette fraction qui venait de lui infliger une défaite, l’ultra-royalisme insista auprès du roi qui choisit comme président l’illustre Royer-Collard. La guerre était ainsi déclarée à cette minuscule et souveraine fraction et l’ultra-royalisme intransigeant et brutal en avait perdu l’appui.

Cette première indication ne fut pas négligée par M. de Martignac. Orateur habile, élégant, fleuri, moins rude que Villèle, mais clairvoyant, agréable et doux, séduisant autant qu’était souvent rebutant son prédécesseur, Martignac sentait qu’il avait devant lui une grande tâche, et ni sa conscience, ni son courage ne s’en émurent. Mais, il ne voulait pas se livrer dans l’état d’indécision où étaient encore les partis. Il attendait. Il avait, dès le premier jour, manifesté cependant une intention virile : en constituant son cabinet, il avait résolument détaché du département des Affaires ecclésiastiques le ministère de l’Instruction publique qui y était englobé. C’était une grande réforme et courageuse, car c’est d’elle que date la séparation de l’Université d’avec l’Église. Il avait mis, il est vrai, à la tête de ce département nouveau et qui allait se suffire à lui-même, il avait mis M. de Vatimesnil, qui avait donné tant de gages à la congrégation. Le choix de la personne rendit moins âpres les protestations de la droite contre cette création. On comptait sur M. de Vatimesnil pour ne faire de ce ministère de l’Instruction publique qu’une annexe de la congrégation. Mais M. de Vatimesnil trompa ses anciens amis et sa première mesure pour recommander à l’Université de se tenir loin des jésuites fut la manifestation heureuse et imprévue d’un état d’esprit tout nouveau.

En même temps qu’ils prenaient cette mesure de laïcité, courageux pour le temps où ils vivaient, et qui consistait à remettre le ministère de l’Instruction publique hors du département ministériel des Affaires ecclésiastiques, les ministres nommaient une commission chargée d’examiner l’application des lois du royaume. C’était, par une périphrase incolore,