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cours, des parlements. À dire le vrai, l’embarras était grand pour tous les pouvoirs, et surtout pour le pouvoir français qui, dirigé par M. de Villèle, était hostile à toute intervention pacifique de la France.

Il faut bien reconnaître que M. de Villèle était dans la logique même de sa politique. Il s’était sourdement opposé à l’expédition d’Espagne, encore qu’il s’agît pour la légitimité d’aller soutenir la légitimité, pour les Bourbons de soutenir à la fois un principe et leur famille. Il n’avait cédé que quand la Congrégation lui avait montré prête à le laisser choir la main puissante qui l’avait élevé. Ici, c’était une opération contraire : il s’agissait d’aller au secours d’un peuple en révolte contre son souverain légitime, et de donner un détestable exemple révolutionnaire. Aussi M. de Villèle résistait.

Pendant ces années, la guerre s’allumait sur tous les points de cette Grèce et, près des lieux immortalisés par ses premiers héros, d’autres héros renouaient à travers le temps la tradition sublime. L’audace de ce peuple sur terre, sur mer, surtout, jetait dans la terreur les Turcs. Sur les flots, les vaisseaux turcs ne pouvaient résister, malgré leur masse, à ces esquifs légers qui voltigeaient autour d’eux, les enserraient, portaient par des brûlots sacrifiés le feu à leur bord, déterminaient des explosions formidables. L’amiral Miaoulis surtout se distinguait par la rapidité des coups forcenés qu’il portait à la flotte du sultan, si bien que celui-ci, menacé, fit appel à Mohammed-Ali, le sultan d’Égypte, lequel lui délégua son fils Ibrahim.

La lutte va se resserrer à partir de ce moment. Rachyd, le général turc, met le siège devant Missolonghi, la citadelle fortifiée de la Grèce. Le siège dura quinze mois, fut fertile en sorties, fut levé, repris, et aurait duré plus longtemps, si Rachyd, écrasé, n’avait fait appel à Ibrahim. Ce dernier fut repoussé deux fois ; il préféra prendre la ville par la famine que par la force, et y pénétra, en 1826, non sans qu’une explosion effroyable ait jeté dans les airs plus de cinq mille hommes. La Grèce était vaincue, et le pays de Léonidas allait disparaître sous les flots de la bestialité turque.

À la fin l’esprit public brisa l’inertie des diplomaties. L’opinion publique s’émut en France, formée de royalistes, de libéraux, de tous ceux à qui le souvenir de l’antiquité restituait tant de joies rares et précieuses. Mais il est probable que le sentiment tout seul n’aurait pas triomphé si l’intérêt politique et l’intérêt mercantile n’y avaient ajouté leur force.

L’Angleterre avait souscrit un emprunt en faveur des Grecs. Allait-elle laisser disparaître son gage avec la Grèce immolée par les barbares ? La Russie désirait faire de la mer Noire un lac russe. N’était-ce pas le moment pour elle de satisfaire son ambition ? Seule, la France désintéressée agitait ses armes par amour pur et vrai de la Grèce vouée à un malheureux destin. L’opinion publique fut si forte dans les trois pays que, le 26 juillet 1827, les gouvernements préparèrent une convention où ils s’engagèrent à faire des représentations au sultan, à enrayer sa marche, à soustraire en partie la