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les femmes débiles au cloître, agir, les attirer, les emprisonner dans la douceur amollissante du couvent, c’était, ce fut toujours le but suprême de la religion, qui a besoin du dévouement, de la discipline d’esprit, de l’abdication de la nature pour prospérer. Or, le Parlement aurait tenu la comptabilité publique des autorisations réclamées et accordées, et pu prendre peur de la répétition meurtrière de ses propres consentements. Mais qu’une ordonnance soit sollicitée, signée, publiée, enfouie dans des publications légales, et que de ce simple geste naisse la congrégation, voilà qui était bien et utile. Malgré tout, cependant, la Chambre des pairs n’osa se dessaisir et, à la voix de MM. Lanjuinais et Pasquier, maintint la nécessité du contrôle et de l’autorisation législatifs.

La Chambre des Pairs, cependant, allait racheter par un impardonnable vote tout l’effort qu’elle avait accompli contre la congrégation et, pour ainsi dire, donner satisfaction à l’Église après lui avoir refusé un avantage. L’occasion lui en fut offerte dans le vote de la loi sur le sacrilège. Depuis longtemps le clergé, le haut clergé surtout, le banc des Évêques à la Cour des pairs sollicitait un redoublement de rigueur contre l’incrédulité du siècle. Il avait obtenu, malgré M. de Serre, autrefois, que la morale religieuse fût mise à l’abri de tout débat. Cela ne lui pouvait plus suffire, et il voulait, par des actes éclatants, frapper, au nom de la miséricorde, les profanations :

« La profanation des vases sacrés et des hosties consacrées est crime de sacrilège.

« Toute voie de fait commise sur des vases sacrés ou sur les hosties consacrées est déclarée profanation.

« La profanation des vases sacrés est punie de mort simple.

« La profanation des hosties consacrées est punie de la peine du parricide. »

À ces quelques dispositions tranchantes comme un couperet peuvent se réduire les dispositions de la loi nouvelle. C’était un implacable attentat au bon sens, à la raison, à la religion. Au bon sens, car quel être, à moins de déséquilibre, irait manifester la liberté de son incrédulité en brisant des vases et en souillant des hosties ? À la raison, car, même si ces actes étaient accomplis, qu’engageaient-ils et quelle opinion, quelle théorie, quelle philosophie auraient jamais accepté de se produire sous ces brutales apparences. À la religion enfin, car, d’abord, ces mesures législatives laissaient croire que des ennemis du dogme catholique en voulaient même aux innocents symboles où il se réfugie. C’était, en outre, supposer que, par son propre rayonnement et son seul prestige, elle ne parvenait pas à conquérir les âmes et qu’il lui fallait l’appui du juge.

Par conséquent une assemblée vraiment attachée à la religion eût dû répudier cette loi barbare qui faisait couler le sang des hommes comme avait coulé le sang de son fondateur déifié. Quelques catholiques, en effet,