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s’ébranle, parcourant les villages, jusqu’au petit village de Dattenheim. Là les hommes mettent fin à cette comédie indigne ; ils sautent sur Caron et sur Roger, les attachent, les ramènent et un des sous-officiers apparaît sous son vrai nom et sous son vrai grade : c’est le capitaine Nicol. Caron, quoique n’appartenant plus à l’armée, d’où l’a chassé M. de Latour-Maubourg, est condamné à mort par le conseil de guerre ; il forme un pourvoi. La Cour de cassation se réunit, mais on l’avertit que l’objet du litige a disparu : Caron, nonobstant son pourvoi éminemment suspensif, ayant été fusillé. Roger fut condamné à mort par la cour d’assises de Metz, gracié, exposé au milieu des sympathies publiques, couronné de chêne par un courageux citoyen, puis envoyé au bagne de Toulon, d’où Mme Récamier, en 1824, devait le faire sortir. Quelques jours après, le maréchal-des-logis Thiers et le capitaine Nicol, qui avaient prêté les mains à cette œuvre de police, recevaient de l’avancement et touchaient sans honte le prix du sang.

Pendant ce temps, une autre conspiration qui avait germé à Paris éclatait à la Rochelle. Le 45e de ligne, en garnison au Havre, avait quitté cette ville pour Paris, en 1820, et séjournait dans la capitale en 1821. Ce régiment possédait un sergent-major, Bories, jeune et ardent adepte du libéralisme. Il ne tarda pas à se rencontrer avec des membres du carbonarisme, et fonda dans le 45e une vente, où entrèrent avec lui Pommier, sergent-major, Raoulx et Goubin, sergents. Lefèvre, soldat, d’autres encore. En janvier 1831, ce régiment allait quitter Paris ; les carbonari militaires se rencontrèrent à dîner avec des membres de ventes : Hénon, Barradière, avocat, Gouran, chirurgien à Beaujon, d’autres encore. On y prémédita de faire révolter le régiment, Puis le régiment partit, pour son malheur, à Orléans, Bories, provoqué par un sergent suisse, se battit et fut, de ce chef, mis en prison. Pommier prit à sa place la présidence de la vente. Sur la route, Bories se confia à tort à diverses personnes, si bien qu’en arrivant à La Rochelle, une partie du complot était soupçonnée. Le sergent-major Goupillon, mis au courant, se trahit devant un tiers et, effrayé, dévoila tout. Précisément Pommier avait eu le tort de donner un banquet au général Berton, recherché au même moment pour une tentative insurrectionnelle dont nous aurons à parler, et d’aller rendre visite à Leresche, intermédiaire de La Fayette. On l’arrête avec Raoulx et Goubin qui ont assisté au banquet. On ne sait alors ce qui s’est passé. Les accusés ont raconté que le général Despinois, qui les interrogea, avait simulé son initiation au carbonarisme, qu’ils s’étaient fiés à lui, et qu’il avait recueilli à titre d’aveux ces confidences arrachées par la plus infâme des ruses. Ce général, cité à comparaître, ne se présenta jamais en justice.

Pommier, Raoulx, Goubin n’avaient pas seulement dévoilé ce qui se passait dans le régiment, mais tout ce qu’ils savaient et, par là, mis en cause les hommes de la vente supérieure qui se trouvaient à Paris et avec lesquels