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politique rétrograde et violente, où toutes les passions de 1815 éclatèrent, et qui, pendant huit années, sauf un court réveil de l’esprit libéral, devait accumuler en France les regrets, les colères, les vengeances, ouvrir incessamment et sûrement la voie aux lentes réparations.



CHAPITRE XI


LE MINISTÈRE DE VILLÈLE. — LA CONGRÉGATION ET LES SOCIÉTÉS SECRÈTES


La situation des partis. — La confusion dans le programme libéral. — La précision dans le programme ultra-royaliste. — La Congrégation. — Les sociétés qu’elle fonde. — Son action sur le Parlement. — Son action sur l’enseignement. — Elle introduit auprès du roi une favorite. — Mme du Cayla et Louis XVIII. — Les carbonari. — Les Chevaliers de la Liberté. — Les deux conspirations militaires de Belfort. — Exécution du colonel Caron. — Les délateurs militaires reçoivent le prix du sang. — Les quatre sergents de la Rochelle. — Impuissance du carbonarisme à les sauver. — Leur mort. — Les deux conspirations militaires de Saumur. — Exécution du général Bedon et autres. — Condamnation à mort — La chute du carbonarisme. — Ses causes. — Rôle de M. de La Fayette. — La fin des complots. — Leur inutilité politique et leur utilité morale. — Double session de 1822. — Suppression de la liberté de la presse. — Élections. — Nouvelle méthode budgétaire.


On connaîtrait mal l’action des partis pendant la Restauration si l’on se contentait de jeter les yeux sur la Chambre des députés. Même en temps de démocratie, alors que la représentation est vraiment nationale par son ampleur, le seul spectacle de la Chambre ne suffit pas à informer la juste curiosité. À plus forte raison dans une monarchie étroite, où l’action parlementaire intéressait à peine quelques milliers de privilégiés, est-il nécessaire de regarder d’un peu plus près le pays.

Les partis, comme à la Chambre, y étaient fortement hostiles les uns aux autres, et toute chance de transaction eût été impossible entre ces factions diverses. Pour bien des motifs cependant, l’ultra-royalisme dominait. D’abord il prenait la source de sa puissance dans la grande propriété, à laquelle une loi imprudente avait imparti toutes les prérogatives politiques. Quand à l’influence sociale basée sur la richesse vint s’ajouter, par l’insouciance de MM. de Richelieu et de Serre, ensuite par la ferme volonté de M. de Villèle, l’appui gouvernemental, la totalité de l’influence, celle de l’argent, celle du pouvoir, fut remise aux ultras. Mais il faut, pour être juste, rappeler une autre raison de leur prédominance : elle était tout entière dans la simplicité de leur programme et l’uniformité de leurs désirs.

Les ultras, en effet, voulaient la royauté, la voulaient sans partage, défendaient à la dignité royale de se commettre dans une charte offerte,