Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/172

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cause était due cette évolution heureusement pacifique… en même temps qu’à l’insistance de M. de Talleyrand, qui recommençait à agir.

Pendant que ces faits se produisaient à l’intérieur du pays, des incidents graves et que nous avons fait pressentir éclataient coup sur coup en Europe. Les souverains de Russie, de Prusse, d’Autriche arrivaient à Laybach le 8 janvier 1821 ; ils avaient auprès d’eux appelé Ferdinand, roi de Naples, qui régnait sur un peuple en révolte au moyen d’une Constitution dictée en un jour d’insurrection. Les Chambres ne voulurent permettre à Ferdinand de partir qu’à la condition qu’il promît de défendre auprès des souverains le fait accompli. Ferdinand promit, gagna Laybach, en laissant à Naples son fils sous le titre de régent. Dès qu’il eut mis quelque distance entre l’insurrection et lui, il changea de visage et de langage, ne défendit que sa cause personnelle. Le résultat ne se fit pas attendre. Une armée autrichienne de 80 000 hommes pénétra en Italie avec le désir de mettre à la raison le peuple de Naples. Celui-ci, sur le premier moment, se leva, et jura avec ses représentants de s’ensevelir avec la liberté. L’Europe prêta quelque crédit à cette démonstration, et le général Foy prédisait aux Autrichiens qu’ils ne sortiraient pas vivants des Abruzzes. La France surtout suivait avec des sentiments divers cette lutte, les uns attendant le triomphe de la légitimité sur les peuples, d’autres la victoire de la cause populaire. L’attente fut courte. En quelques jours les Autrichiens arrivaient sur les confins du royaume de Naples ; l’armée qui leur avait été envoyée pour les arrêter se fondit devant eux et, sans tirer un coup de fusil, les Autrichiens pénétraient à Naples à la fin de mars, restauraient Ferdinand, laissaient une armée forte de 42 000 hommes pour assurer sa sécurité. Le parti des ultras triompha violemment de ce succès tout en gardant au roi rancune de son inertie. Le Piémont avait suivi l’exemple du royaume de Naples, mais il tenta au moins la fortune des combats. Cernée par les Autrichiens, sa petite armée dut se retirer lentement et ne plus s’offrir à une défaite certaine. L’Autriche occupa Turin au mois d’avril 1821, et laissa dans le Piémont une armée de 12 000 hommes.

Les élections eurent lieu le 10 octobre. Le cabinet y fut écrasé, et le ministre de l’Intérieur lui-même, M. Siméon, fut battu. Les ultras l’emportaient avec d’autant plus de facilité, qu’en outre de l’appui formidable de la grande propriété privilégiée, on le sait, même devant les urnes, ils eurent l’appui officiel et avoué du gouvernement. On sait que le gouvernement désignait lui-même les présidents de collège départemental : il eut l’imprudence de désigner soixante ultras, indiqués par là comme députés, la tradition récente, mais d’autant plus respectée, voulant que les suffrages se reportassent d’abord sur ce président. Ainsi, l’influence économique qui vient de la richesse, et l’influence politique qui venait de la consécration gouvernementale, tout s’était réuni pour permettre aux ultras de forcer la porte de la Chambre des députés ! Les libéraux décroissaient en face de l’ultra-royalisme