Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/136

Cette page a été validée par deux contributeurs.

une impossible requête : car avec quel argent se ferait ce doublement  ? Où taillerait-on le domaine spirituel des nouveaux évêques, sinon dans le diocèse de ceux qui déjà étaient installés ? Au terme de cette loi, il n’y avait que colères, dépossessions, dépenses. Le gouvernement retira son projet quand il sut par une lettre du pape à M. de Marcellus, un des commissaires ultras, que le Vatican souhaitait le maintien de l’acte de 1802. Sans cela, nous retombions au Concordat passé entre François Ier et Léon X en 1515 !

Cependant, cette session vit tomber les cours prévôtales, créées jusqu’au 1er janvier 1818 à moins d’une prorogation. Le souvenir de leurs sanglants excès était si odieux que même les ultras n’osèrent proposer le prolongement judiciaire de cette guillotine permanente et aveugle.

Néanmoins l’année 1818 ne devait pas finir sans voir la disparition de l’armée étrangère. M. de Richelieu s’était employé à cette tâche avec un zèle exemplaire et une noble ardeur. Il était chaque jour davantage accablé par les prétentions ennemies qui croissaient à mesure que se faisait prochaine l’échéance. Les chiffres inscrits dans le traité du 8 novembre 1815 et qui faisaient ressortir une indemnité totale de 700 millions n’étaient plus respectés. Chaque roi, chaque prince apportait sa note. À la fin, ils se trouvèrent tous ensemble réclamer 1&nvsp ; 375 millions en sus de la somme promise et d’ailleurs payée. C’était trop. M. de Richelieu le fit comprendre à Alexandre et, pour lui donner la mesure de la discrétion adverse, lui montra la réclamation du duc de Ahnuet-Dembourg visant la solde pendant une année pour l’entretien de 4 000 hommes prêtés à Henri IV ! Alexandre s’entendit avec Wellington et, le 23 avril 1815, il fut décidé qu’une inscription de rentes de 16 010 000 francs libérerait la nation — 4 millions de rente de plus que les 12 040 000 promis en 1815 et qui devaient être absorbés par l’Espagne (1 million) et l’Angleterre (3 millions).

Pour économiser l’argent, M. Corvetto, suivant l’exemple de M. Louis, avait fait appel aux capitalistes étrangers. La colère fut vive à la Bourse de Paris. Cette fois, contraint à une opération nouvelle, le ministre fit appel aux capitalistes français pour 12 040 000. Le public se jeta sur les bons : il avait vu autrefois monter par la force du crédit de la France la valeur du récépissé de plus de 15 francs et chacun espérait garder quelques jours le précieux papier, puis le revendre à la hausse et empocher un profit notable. La hausse se manifesta d’abord, mais un événement imprévu de cette spéculation encore aveugle vint apporter par la baisse subite un désastre : les gouvernements étrangers, eux aussi, voulaient profiter de la curée. Ils jetèrent sur le marché les inscriptions par eux reçues. Cet afflux inattendu noya la Bourse et sous l’amas des offres les demandes disparurent : une baisse se produisit. M. Corvetto, naturellement décrété d’incapacité et d’improbité, quoiqu’il fût d’une scrupuleuse délicatesse, en fut très affecté.

Cependant la précipitation avec laquelle les armées alliées allaient dis-