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12 000 francs que le titre rapportait. Mais on ne douta plus de la volonté royale et voici le résultat qu’enregistra avec joie le gouvernement : 103 ultraroyalistes, 159 monarchistes ministériels. Le 4 novembre, la Chambre s’ouvrit sur un discours royal qui irrita la minorité, puisqu’il lui rappelait « les écarts d’un zèle trop ardent ».

La minorité essaya de lutter : elle vit tout de suite son infériorité numérique dans l’élection du bureau où ses quatre candidats n’eurent que 80 voix, tandis que M. Pasquier et M. de Serre en réunissaient plus de 112. M. Pasquier fut choisi. En vain M. de Villèle essaya de ranimer les colères en dénonçant la pression officielle qui s’était exercée dans divers départements. La majorité demeurait compacte autour de M. Decazes qui savourait sa victoire et amoncelait en même temps, sur sa tête, toutes les rancunes meurtrières qui bientôt devaient le chasser de la scène politique.

Mais, on se le rappelle, il n’y avait pas de loi électorale : celle qu’avait présentée le Gouvernement avait échoué devant la Chambre des Pairs, toute chargée d’ailleurs des amendements ultra-royalistes qui l’avaient dénaturée, et on avait provisoirement gardé le mode électoral qui avait servi en 1815. M. Laine présenta un projet, qui, toujours fondé sur le respect du cens, offrait le mérite de la clarté : un seul collège dans le département, composé des électeurs qui payaient trois cents francs, élirait des députés qui, eux, devaient payer 1 000 fr. C’était le scrutin de liste, restreint à une fraction privilégiée, et c’était surtout le second collège aboli, et la grande propriété atteinte dans son influence politique. La droite se sentit frappée du plus rude coup qu’elle ait encore subie. La discussion s’ouvrit le 26 décembre et, grâce à Royer-Collard, à Villèle et surtout à M. de Serre, revêtit un éclat considérable. Le débat fut plutôt un débat social qu’un débat politique et toutes les inquiétudes des hauts privilégiés dessaisis au profit des privilégiés moyens passèrent en apostrophes, en sarcasmes, en injures à travers ces discours. M. de Bonald, qui s’était proclamé le penseur de la droite dont M. de Villèle était le chef adroit et averti, résume toutes les craintes en une phrase : « Si, par des lois nées des habitudes révolutionnaires, en appelant les petits et moyens propriétaires, vous excluez de fait les chefs de la propriété, c’en est fait de l’ordre social… » Les chefs de la propriété, c’étaient ceux qui devaient gouverner la politique. C’était là le plan social des ultra-royalistes et ils redoutaient, comme le triomphe de la révolution, cette loi qui cependant laissait à quelques milliers de privilégiés le droit de disposer du pays.

Tous les autres orateurs, surtout Royer-Collard, défendirent la loi, après quoi M. de Serre réclama, tout en se tenant prêt à voter la loi, que le commerce et l’industrie aient une représentation directe. C’est là le germe de cette idée de représentation professionnelle qui a trouvé de notre temps quelques défenseurs. Ou s’étonne que cette théorie ait pu éclore en cet esprit mûri par l’étude et la réflexion. Qu’est-ce que le commerce seul