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losophiques, et c’est l’honneur de la parole de s’élever à la hauteur de la pensée.

Avec une époque où les problèmes se sont précisés, isolés les uns des autres, la parole a pu devenir plus simple et plus souple. Mais, malgré tout, le Parlement n’aurait pu tenir un rôle souverain si l’éloquence ne s’était pas modifiée ; on ne pouvait appeler un débat cette succession d’entretiens et de discours qui ne se rencontraient jamais l’un l’autre ; la fonction crée l’organe, et la tribune a créé l’éloquence. Quelques années après le début de la Restauration, de Serres, de Villèle, Manuel, Casimir Périer, enhardis par leurs succès, enfin se dressèrent à la tribune, à peine maîtres de l’agitation intérieure que jette dans l’âme la parole qui va s’échapper : l’éloquence parlementaire était née.

Avec elle était né le droit nouveau que la force a pu arracher, mais qu’elle ne peut tout à fait briser et qui prévaut sur ses excès éphémères. C’est la Restauration qui l’a créé, ou plutôt dans la Restauration un parti. Aussi, quelque tragique que soit cette histoire, quand le sang dégoutte des échafauds politiques, quand le cœur se soulève et que l’esprit se désespère à voir l’œuvre de la férocité humaine, que nul n’oublie que ce régime vaut mieux que le régime des violences. Là, au moins, même faible comme un souffle, la parole se pouvait entendre. Ce n’était pas la nuit complète, et, comme un reflet du ciel aperçu du fond d’un gouffre, la liberté attirait vers elle tous ses fils à la fois obscurs et glorieux.


CHAPITRE VI


LA CHAMBRE INTROUVABLE


Session de 1815-1816. — La loi sur la liberté individuelle. — Les cris séditieux. — Les cours prévôtales. — La Chambre ordonne des mesures de répression. — La loi électorale. — Le ministère tenu en échec. — Loi en faveur des prêtres. — Les biens non vendus leur sont restitués. — Abolition du divorce. — La Chambre réclame la main-mise sur l’Université et les registres de l’état-civil. — Clôture de la session. — Les soulèvements en province et à Paris. — Didier à Grenoble. — Le sang coule partout. — Abaissement général. — Les responsabilités.


La Chambre, réunie le 7 octobre, n’avait accueilli qu’avec un respect glacé les déclarations royales qui lui paraissaient trop pacifiques. Dans l’adresse qui fut rédigée en réponse apparut tout de suite l’esprit qui animait cette chambre et ce qu’il fallait en attendre. « Sire, disait la majorité, votre clémence a été presque sans bornes. Nous vous supplions… de faire enfin que la justice marche où la clémence s’est arrêtée. » Jamais mise en demeure plus brutale, sous l’habile enveloppement de la forme, n’avait été adressée à