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des considérations nombreuses sur le talent, la capacité et les moyens du propriétaire, et ne peuvent recevoir qu’une solution relative et non absolue : mais on peut, en général, assurer que l’excès dans les deux cas est pernicieux : un bien trop petit n’attache pas ; les frais de culture, l’impôt y deviennent très sensibles et le propriétaire, plus sujet à s’en dégoûter, n’y donne plus les mêmes soins. Tandis que dans une trop grande étendue de terre appartenant au même possesseur, une partie est toujours négligée ou perdue, la surveillance ne saurait s’y exercer d’une manière efficace et souvent les moyens d’exploitation ne sont point en rapport avec les besoins du sol. Ici, comme partout, le mieux est entre les deux extrêmes. »

Nous avons déjà, en étudiant les conséquences de la création de la noblesse impériale, examiné la question de la grande et de la petite propriété et constaté, chez les préfets, une sorte d’hésitation à manifester leur préférence pour l’une ou pour l’autre, hésitation qui dura jusqu’au moment où Napoléon parut désireux de s’appuyer, grâce à la grande propriété reconstituée, sur une sorte de nouvelle féodalité.

À vrai dire d’ailleurs, il est certain qu’au début de l’empire, le morcellement de la propriété fut un grand progrès sur le régime antérieur à la Révolution, régime qui permettait de laisser incultes et improductifs des milliers d’hectares de bonne terre. Et il apparut ensuite, en dehors même de toute préoccupation politique, que la reconstitution de la grande propriété, non plus de la grande propriété improductive, mais de la grande propriété scientifiquement exploitée, réalisait à son tour un progrès sur la petite culture.

Un mémoire couronné à la Société centrale d’Agriculture en 1810 et que nous avons cité déjà, nous a montré sur ce point l’opinion dominante de l’époque : on peut encore trouver une confirmation de cet état d’esprit dans l’attention toute particulière qu’attache la Société d’Agriculture à un mémoire présenté par M. de Jumilhac, membre du Conseil général du département de la Dordogne.

« Propriétaire dans un pays de petite culture, M. de Jumilhac a opéré, il y a cinq ou six ans, la réunion de quatre de ses métairies, pour en former un seul domaine dont il a entrepris lui-même l’exploitation. À l’assolement généralement en usage dans le pays et qui consiste à faire alternativement succéder le seigle à la jachère, et la jachère au seigle, il en a substitué un, fondé sur les principes d’une saine théorie confirmés par les résultats de la pratique, et au moyen duquel la jachère est entièrement bannie de son exploitation.

« L’assolement de M de Jumilhac se compose de dix soles, qui se succèdent dans l’ordre suivant :

« 1° Seigle ; 2° raves ; 3° avoine semée avec du trèfle ; 4°, 5°, 6° trèfle