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Troisième genre : Ouvriers d’agrément.

Les salaires sont les suivants :

Marbriers : 3 à 4 francs ; — sculpteurs : 4, 5, 6, jusqu’à 10 et 12 francs ; — doreurs sur bois : 3 à 4 francs.

Le nombre total des ouvriers du bâtiment est estimé à 24 148.

Rapport politique. — C’est parmi les ouvriers de cet ordre que les coalitions, les rassemblements sont les plus prompts à se former, les plus difficiles à se dissiper. La raison s’en trouve dans la réunion presque constante de plusieurs, même d’un grand nombre de ces ouvriers dans un même point de travail ; un turbulent fait une proposition perturbatrice et, à l’instant, tous se font une sorte d’honneur d’y adhérer.

Rapport physique. — Presque tous les ouvriers de cet ordre sont forts, sains et bien constitués, parce que leurs travaux s’exécutent en plein air et exigent un emploi assez considérable de forces.

Rapport moral. — Rien de plus varié que le moral de ces différentes espèces d’ouvriers.

Les tailleurs de pierre, charpentiers, marbriers sont en général honnêtes, sages, point ivrognes, point débauchés. Aussi fraternisent-ils peu avec les autres qu’ils regardent comme au-dessous d’eux.

La plupart des tailleurs de pierre sont domiciliés dans le département du Calvados et de la Manche, ils viennent à Paris dans la belle saison ; quand l’hiver interrompt les travaux, ils retournent dans leurs foyers et y portent le produit de leurs épargnes.

Ceux des maçons que nous envoient les départements de la Creuse et de la Haute-Vienne sont également sages et de bonne conduite ; ils émigrent de leurs foyers et y retournent comme les tailleurs de pierre. Mais ceux qui résident habituellement à Paris sont assez mauvais sujets. L’hiver est pour eux une saison fatale parce qu’ils sont désœuvrés. Ceux-ci sont assez enclins au vol, à l’exception cependant des appareilleurs et de ce qu’on appelle maîtres compagnons.

Les couvreurs le sont bien davantage ; il semble que la disposition à ce vice naisse de la profession même.

Les serruriers offrent pour la plupart l’image de la grossièreté : ils sont ivrognes, voleurs, débauchés et très difficiles à conduire. Mais, dans ce tableau, on remarque une nuance à l’égard de ceux que l’émulation et l’amour-propre portent à bien faire ; on voit des garçons serruriers étudier le dessin, l’architecture, les moyens de réduire et de travailler le fer. Leurs mœurs contrastent singulièrement avec la grossièreté des autres.

Une démarcation assez analogue se fait remarquer parmi les menuisiers ;