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goût et par le bon choix des sujets qu’il faut remonter cet établissement ». Il propose, en conséquence, des peintures reproduisant des anecdotes de la vie de l’empereur. Pour Sèvres, le rapporteur, après un éloge de l’administrateur Brongniart, écrit : « Si Votre Majesté visite cet établissement, elle verra qu’il y règne un goût déjà si épuré qu’on peut assurer que d’ici un an tout ce qui y sera exécuté deviendra des types pour toutes les autres manufactures, et que certaines pièces sont destinées à servir à l’avenir dans les cabinets des curieux comme des monuments d’art pour cette partie de l’industrie. Le service égyptien ordonné par Votre Majesté sera à lui seul une curiosité… Votre Majesté ne verra pas avec moins d’intérêt le goût exquis des Étrusques… Votre Majesté y trouvera exécutés dans le style étrusque quelques détails de l’histoire de sa vie. Enfin elle pourra observer que tout ce qui tient au mauvais goût du siècle passé disparaît dans les salles d’exposition et ne se renouvelle plus dans les ateliers. La dépense de cette restauration se fait avec économie et intelligence, et devient pour un certain nombre d’artistes une ressource utile sans corrompre leur goût. »

Les expositions de 1801, 1802, 1806 eurent pour objet de stimuler les industriels et de montrer les progrès accomplis. C’est celle de 1806 qui, de beaucoup, fut la plus importante, puisqu’elle compta 1 422 exposants contre 229 en 1801 et 540 en 1802. À ces diverses expositions, on vit apparaître les premières machines, ébauches encore bien rudimentaires des instruments qui devaient révolutionner le monde du travail.

« Les 1422 exposants de 1806, dit M. Levasseur, appartenaient à 104 départements dont 81 dans l’ancien territoire de la France[1] ». Il fut distribué 54 médailles d’or, 97 médailles d’argent, 80 médailles de bronze. Pendant l’Exposition, l’empereur était en Allemagne et Champagny lui écrivait le 4 octobre[2] : « Sire, je crois devoir dire un mot à Votre Majesté de l’exposition des produits de l’industrie. Elle dure depuis 9 jours et l’affluence des spectateurs qui accourent dès la pointe du jour est telle que dans l’ancien local de l’École polytechnique où sont les objets les plus précieux il a fallu, pour prévenir les accidents que la foule peut occasionner, doubler les gardes et mettre des barrières. Tout le monde s’accorde à dire que les expositions précédentes étaient bien loin d’avoir excité un pareil concours. Il atteste que nos manufactures ont fait des progrès. Lord Landerdale en a été surpris. Ce qu’un gouvernement ennemi de Votre Majesté verrait avec plus de regret encore, c’est l’esprit qui anime ces bons manufacturiers, interprètes naïfs du sentiment de leurs concitoyens. Il n’y en a pas un qui ne soit venu du fond des départements pour vous offrir un hommage et qui n’ait imaginé que c’était le meilleur moyen d’obtenir le suffrage public. Il n’y a pas un por-

  1. Levasseur o. c. I, p. 408.
  2. Archives nationales, AFiv 1060