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CHAPITRE III

LA GUERRE CONTRE L’ANGLETERRE

La guerre contre l’Angleterre reprit, on s’en souvient, après le refus opposé par le ministère Pitt aux offres de paix adressées au roi Georges III par Bonaparte[1]. Dès lors, la lutte s’engagea violente sur tout le domaine maritime, et elle fut marquée par autant de succès anglais que la guerre continentale le fut de succès français. Bonaparte était dans l’impossibilité de résister efficacement sur mer à la flotte anglaise, d’une supériorité écrasante tant par le nombre des unités que par leur armement. Par conséquent, son seul moyen de défense devait consister à tirer de ses victoires continentales un maximum d’avantages diplomatiques afin d’isoler la Grande-Bretagne et l’amener à faire la paix en raison de l’épuisement inévitable où la conduiraient ses conquêtes mêmes.

Ce chapitre présente donc à peu près la contre-partie de celui qui le précède immédiatement : nous y traiterons, en effet, des succès étrangers au lieu des succès français, et nous verrons comment la résistance de la France, toute basée sur les avantages étudiés plus haut, a conduit à la paix d’Amiens, signée le 25 mars 1802.

§ 1. — Les succès anglais.

L’île de Malte, occupée par 4 000 hommes, sous le commandement de Vaubois, qu’appuyait Villeneuve avec les débris de sa flotte d’Aboukir, constituait ce que l’on a accoutumé d’appeler « une forteresse imprenable ». Elle succomba pourtant, et les plus terribles souffrances s’abattirent sur ses défenseurs. Il n’y eut point pour ainsi dire de combat : les Maltais, exaspérés par les pillages et les exactions françaises, poussèrent Vaubois dans la Valette et l’y enfermèrent, pendant que les flottes anglaise, portugaise et napolitaine gardaient la mer. Et puis on laissa les Français mourir de faim. Quand la mort eut fauché la majeure partie de la garnison, quand les « fêtes » données par Vaubois en attendant des secours ne purent plus empêcher les hommes de penser à la minute terrible, toujours de plus en plus proche, où le scorbut et la famine les détruiraient tous, il fallut songer à se rendre. La résistance durait depuis vingt-six mois. Les correspondances communiquées par les amiraux ennemis ne laissaient plus aucun espoir de l’intervention victorieuse d’une flotte française. C’était bien fini. Vaubois capitula et quitta l’île avec les honneurs de la guerre, emmenant à Marseille avec lui les restes lamentables de son armée (25 septembre 1800). Les Anglais s’engagèrent à remettre

  1. Voyez supra, p. 99.