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THERMIDOR ET DIRECTOIRE

CHAPITRE PREMIER

SIGNIFICATION DU 9 THERMIDOR AN II. — BABEUF.

Certains historiens, Michelet notamment, arrêtent l’histoire de la Révolution au 9 thermidor an II (27 juillet 1794). De fait, à cette date, la Révolution, dans sa forme démocratique, est terminée ; suivant le mot d’un thermidorien, Barère (Mémoires, t. II, p. 236), « le 9 thermidor brisa le ressort révolutionnaire ».

Au point de vue du fond, au point de vue économique, les hommes de la Révolution avaient à transformer les rapports sociaux et à les adapter aux nécessités économiques de leur époque. Ils ont accompli de telle sorte la tâche qui leur incombait que, par la force des choses et malgré la puissance à certains moments des volontés hostiles à leur œuvre, celle-ci est restée debout.

Au point de vue de la forme, au point de vue politique, l’édifice de la Révolution n’a pas eu la solidité de sa base économique ; et le 9 thermidor fut le point de départ de la réaction qui devait, pour de longues années, aboutir à la chute de la République. Un aussi complet recul était-il de toute façon inévitable ? Je ne le pense pas. Car, si le fond économique sert de base aux phénomènes politiques comme aux autres phénomènes sociaux, il n’implique pas fatalement la forme sous laquelle ces phénomènes se produisent. Les fautes, en effet, sont fréquentes sans être obligatoires ; parce qu’il est possible de trouver ce qui les a déterminées, il ne s’ensuit pas toujours qu’elles dussent être forcément commises, et, quand elles l’ont été, il est bon de les signaler pour essayer d’en éviter le renouvellement. Sans doute, une organisation politique dépassant les besoins de la bourgeoisie, n’était pas viable il y a un siècle et tout ce qui, élaboré sous l’impulsion des prolétaires parisiens, maîtres un instant du mouvement, allait au delà de ces besoins, était condamné à disparaître. Il n’était au pouvoir de personne de faire vivre, après la Révolution, une République qui fût réellement la chose de tous ; en particulier, l’extrême divergence qu’il y aurait eu entre l’état arriéré de l’Europe et une République française véritablement démocratique n’aurait pas permis à celle-ci de durer. Mais la forme républicaine aurait peut-être pu