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« de préparer les lois nécessaires pour mettre en activité la Constitution », et les noms des onze membres de cette commission furent proclamés le 4 floréal (23 avril). Le n° 28 du Tribun du Peuple dans lequel — nous l’avons vu à la fin du chap. III — Babeuf pressentait cet état d’esprit des Conventionnels, avait fait lancer, le 12 nivôse (1er janvier), un mandat d’amener contre lui et un autre contre son imprimeur, ce qui prouve que la liberté de la presse n’a existé après Thermidor que pour attaquer les républicains avancés ; le 15 nivôse (4 janvier), quatre agents se rendaient à son domicile, afin de l’arrêter pour la seconde fois depuis le 9 thermidor à propos de ses écrits. À son défaut, ils arrêtèrent sa femme qu’on dut relâcher sans avoir pu obtenir d’elle le moindre renseignement sur l’endroit où il s’était réfugié et d’où il continuait son journal.

Dans son n° 30 (4 pluviôse-23 janvier), critiquant la loi du 22 nivôse relative aux émigrés, il disait : « Coblenz a ici son sénat ». Il était, pour ce mot, dénoncé, le 10 pluviôse (29 janvier), à la tribune de la Convention par Tallien qui reprochait en même temps à Fouché d’entretenir des relations avec lui. Ce fait, exact au fond, et d’autres de ce genre concernant soit Fréron, soit Tallien lui-même, ainsi que je l’ai signalé (fin du chap. II), montrent Babeuf très naïf et s’illusionnant trop facilement sur certains hommes. Tallien arguait des épreuves « d’un ouvrage de Babeuf » corrigées par Fouché. L’auteur d’une étude récente (Fouché, par M. L. Madelin) qui exagère beaucoup les conséquences des relations de Fouché et de Babeuf, prétend à tort que cet ouvrage était la brochure contre Carrier, mentionnée au début même de ce chapitre, et il parle ensuite, sans en signaler la non publication, d’une brochure de Babeuf contre la Gironde, inspirée, dit-il, par Fouché. Il invoque (t. 1er, p. 185) le « propre aveu » de celui-ci ; or, l’aveu de Fouché, dans les paroles prononcées en réponse à Tallien, se rapporte uniquement — d’après la citation faite par M. Madelin lui-même à la page suivante — à une brochure non publiée contre la réintégration des Girondins ; c’est aussi ce qu’a déclaré Babeuf (n° 32 du Tribun du Peuple, p. 385), en donnant le titre de la brochure en question, Réfutation de tous les écrits dirigés contre le 31 mai, et en constatant à son tour qu’elle n’avait pas paru.

Dans son n° 31 (9 pluviôse-28 janvier), Babeuf poussait à ce qu’il appelait une « insurrection pacifique » au moyen d’un « projet d’adresse du peuple français à ses délégués pour leur exposer dans un tableau vif et vrai l’état douloureux de la nation, celui qu’elle devait attendre, ce qui a été fait pour le lui procurer, ce qui a arrêté et ce qui en arrête le succès ; et ce qu’il convient de faire, et ce que le peuple entend qu’il soit fait pour le faire arriver au terme des droits de tous les hommes et du bonheur commun pour lesquels il a fait la révolution ». Le comité de sûreté générale ordonnait, le 17 pluviôse (5 février), son arrestation pour provocation « à la rébellion, au meurtre et à la dissolution de la représentation nationale ». Le surlendemain