Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au jardin des Tuileries ou au Palais-Royal et de tremper dans les bassins les muscadins les plus échaudés (rapport de police du 2 germinal-22 mars). Ceux-ci n’étaient si insolents que parce qu’ils se sentaient soutenus. Comme devait le constater le même rapport, « le public s’étonne que le gouvernement paraisse les approuver, disant que, lorsqu’ils sont arrêtés et conduits au comité de sûreté générale, ils entrent par une porte et sortent par l’autre ; tandis que, lorsqu’un patriote y est conduit par eux, on le retient pour mettre la terreur à l’ordre du jour ».

Si, les 12 et 13 fructidor (29 et 30 août), la Convention avait formellement réprouvé la dénonciation de Laurent Le Cointre contre les membres des anciens comités de gouvernement, si, le 12 vendémiaire (3 octobre), elle passait finalement à l’ordre du jour sur la dénonciation de Legendre contre Billaud-Varenne, Collet d’Herbois et Barère, elle consentait, le 15 frimaire (5 décembre), Le Cointre étant revenu à la charge, au renvoi aux trois comités de salut public, de sûreté générale et de législation des pièces recueillies par lui contre Billaud-Varenne, Collot d’Herbois, Barère, Vadier, Amar, Voulland et David. Le 6 nivôse (26 décembre), Clauzel faisait voter que les trois comités apporteraient leur rapport le lendemain. Ce rapport, présenté par Merlin (de Douai), écartait Amar, Voulland et David, et proposait la nomination d’une commission de 21 membres chargée d’examiner la conduite des quatre autres représentants. Cette commission était tirée au sort le 7 nivôse même (27 décembre) et Sieyès se trouva être un des membres désignés ; il essaya, le surlendemain, d’esquiver ce mandat ; mais la Convention décréta qu’il remplirait les fonctions de membre de la commission des 21. Telle fut la rentrée en scène de celui qui, n’ayant pas osé broncher pendant la grande période révolutionnaire, devait répondre un jour qu’on lui demandait ce qu’il avait fait à cette époque : « J’ai vécu » (Mignet, Notices et Mémoires historiques, t. Ier, p. 15), et dont le lâche égoïsme fut pris pour de la profondeur. Le 12 ventôse (2 mars), Saladin, au nom de la commission des 21, déposait un rapport concluant à la mise en accusation de Billaud-Varenne, Collot d’Herbois, Barère et Vadier, et, sur la motion de Legendre, leur arrestation immédiate était provisoirement décrétée.

En revanche, si nous avons vu la Convention se refuser, le 27 frimaire (17 décembre), à aller, en faveur des vingt-deux députés girondins tels que Lanjuinais, Defermon, Kervélégan, Henry Larivière, Doulcet de Pontécoulant, Isnard, déclarés traîtres à la patrie ou décrétés d’accusation, au delà de l’exemption des poursuites dont ils étaient l’objet, nous la voyons, le 18 ventôse (8 mars), consentir à leur réintégration. Seul Delahaye qui avait combattu avec les Chouans était excepté, mais il reprenait son siège le 23 germinal (12 avril) ; et tous allaient apporter au parti de la réaction le renfort de leurs haines actives et de leurs fureurs rétrogrades.

Entre temps, on chassait les patriotes des administrations (recueil d’Au-