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néral espagnol comme violateur du droit des gens et de la foi des traités. »

Parler avec respect du droit des gens est bien, concevoir ce droit avec plus d’humanité eût été mieux, et il faut reconnaître que rien n’aurait justifié de telles représailles, si elles avaient été exercées ; heureusement, nous allons le voir, il n’en fut rien. Sachant les assiégés de Bellegarde aux abois, La Union tenta un effort pour les sauver ; mais, le 26 thermidor (13 août), grâce surtout au général Mirabel qui y perdit la vie, il fut vaincu à San Lorenzo de la Muga, à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Figueras, et, le 2e jour sans-culottide de l’an II (18 septembre 1794), Bellegarde capitulait : malgré le décret du 24 thermidor, Dugommier, avec l’autorisation des représentants en mission, fit grâce à la garnison et la Convention eut le bon esprit de ne pas le désavouer. Bien mieux, le 10 nivôse an III (30 décembre 1794), elle rapporta les deux décrets du 7 prairial et du 24 thermidor. Le 5e jour sans-culottide (21 septembre), La Union reprenait l’offensive et était de nouveau battu. Pendant ce temps, le général Charlet avait raison des insurgés en Cerdagne et réussissait en brumaire (octobre) à pacifier cette région, du moins pour quelques mois. Cependant l’armée française ne tardait pas à être dans la plus pénible situation, sans vivres ni possibilité d’en obtenir ; elle en était arrivée au point de devoir ou rentrer en France et disputer aux habitants le peu qu’ils avaient, ou vaincre pour conquérir les moyens de vie, lorsque des négociations entamées depuis le 4 vendémiaire an III (25 septembre 1794) aboutissaient, le 26 brumaire (16 novembre) à des propositions définitives de paix. Découragée par les échecs et voyant dans le 9 thermidor le prélude d’une restauration monarchique, la cour de Madrid était, en effet, disposée à traiter. Mais, malgré cet état d’esprit, le point d’honneur des Espagnols de ne jamais avouer une infériorité, amena le roi Charles IV à poser des conditions absolument folles ; la France, demandait-il, « rendra au fils de Louis XVI les provinces limitrophes de l’Espagne dans lesquelles il régnera souverainement et gouvernera seul en roi ».

Ce fut considéré comme un outrageant défi et ce n’était pas de nature à retenir l’armée républicaine déjà portée à marcher de l’avant par la nécessité de conquérir les moyens de subsistance qui lui faisaient défaut. Dans la matinée du 27 brumaire (17 novembre), elle se mettait en mouvement pour attaquer les lignes fortifiées établies entre la Muga et Figueras. La lutte d’abord indécise tournait déjà à son avantage, quand Dugommier tomba mortellement frappé par un éclat d’obus. Après quarante-huit heures de répit pour se préparer à ses nouvelles fonctions, Pérignon, qui le remplaça, recommençait l’attaque le 30 (20 novembre). La Union était tué, quatre-vingt redoutes prises et le camp espagnol enlevé. Le 2 frimaire (22 novembre), Rosas et Figueras étaient menacées ; le 7 (27 novembre), cette dernière place capitulait sans lutte et l’officier qui en commandait la forteresse la remettait