Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/592

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’y a plus de Directoire… Sieyès et Ducos donnent leur démission, Barras a envoyé la sienne ; abandonnés tous les deux à votre isolement, vous ne refuserez pas la vôtre ! » Ces niais étaient courageux et honnêtes, ils la refusèrent et retournèrent tranquillement chez eux.

Par qui fut signé l’acte de promulgation ? M. Albert Vandal s’est à cet égard exprimé de la manière suivante : « D’après la Constitution, aucune loi ne pouvait être publiée qu’en vertu d’une ordonnance de promulgation rendue par le Directoire et signée de son président, lequel avait en outre à y faire apposer le sceau de la République dont il était détenteur… On avait bien le sceau, le secrétaire Lagarde l’ayant escamoté » (L’avènement de Bonaparte, p. 328). Après avoir raconté que Cambacérès, ministre de la justice, venait, en l’absence du président du Directoire, Gohier, de faire signer Sieyès « qui avait présidé le Directoire pendant le trimestre antérieur », M. Vandal continue : « Sieyès venait de s’exécuter quand Gohier et Moulin parurent… Gohier ne refusa pas de s’entendre avec Cambacérès pour établir et signer un nouvel acte de promulgation parfaitement régulier. Il y était astreint, d’ailleurs, à peine d’attentat, les Anciens n’ayant fait qu’user de leur initiative souveraine. À la vérité, il eût pu et même dû discuter sur l’article qui créait un commandant supérieur des troupes, la Constitution n’ayant pas prévu ce cas. Il passa outre ; la raison de cette condescendance doit se trouver dans la persuasion où il était toujours qu’on en voulait uniquement à Barras, et que le Directoire, allégé de ce poids compromettant, pourrait se remettre à flot » (Idem, p. 329). Plus loin (p. 584), M. Vandal ajoute : « Sur l’affaire de la publication et du sceau, nous avons suivi le récit inédit de Cambacérès et nous lui avons emprunté nos citations. Il existait un précédent en vertu duquel Sieyès pouvait faire fonctions de président. Le 30 prairial, après la démission de Merlin, alors président, son prédécesseur Barras avait repris provisoirement la présidence ». Seulement Gohier, lui, n’était pas démissionnaire et c’est une petite différence appréciable.

À propos des Éclaircissements de Cambacérès don t M. Vandal s’est beaucoup servi, il pense que ce récit « porte un caractère évident de sérieux et de gravité » (Idem, p. 580). Je vais établir que Cambacérès montra, au contraire, pour le faux un manque de répugnance qui doit nous rendre méfiants. La pièce originale existe, elle appartient au carton AF iii 637 des Archives nationales et, pour l’instant, figure au musée des Archives sous le n° 1481. On remarque d’abord que le décret suivi de la « proclamation aux Français » n’est pas signé par Lemercier qui présidait, je l’ai dit, la séance des Anciens ; les signataires sont : « Cornet, ex-président ; Delneufcourt, secrétaire ; Chabot, secrétaire ; Bouteville, ex-secrétaire ». Et voici exactement tout ce qui suit ces signatures :

« Le Directoire exécutif ordonne que le décret ci-dessus sera publié, exécuté et qu’il sera muni du sceau de la République.